Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon: «Avec leur héritage, on voulait se projeter dans l'avenir»
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Cette année 2023 marque le 10e anniversaire de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Créée en hommage à nos deux reporters assassinés le 2 novembre 2013 à Kidal, dans le nord du Mali, cette bourse récompense chaque année un(e) jeune journaliste et un(e) jeune technicien(ne) africains. Ce lundi 7 août, RFI lance son appel à candidatures, ouvertes aux 25 pays francophones du continent africain. Cette année, la formation se déroulera à Abidjan. Une cérémonie exceptionnelle pour marquer les dix ans de cette bourse, qui revêt la même importance qu'au premier jour, selon la présidente du groupe France Médias Monde Marie-Christine Saragosse.
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RFI : Marie-Christine Saragosse, rappelez-nous, pour commencer, pour quelles raisons RFI a créé cette bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon ?
Marie-Christine Saragosse : Il y a dix ans, lorsqu’ils ont été sauvagement assassinés, ça a été une douleur absolue, je pense que c’est comme si on avait tous été frappés à l’intérieur, les familles… Cette douleur, au fond, nous empêchait d’avancer, nous entravait, parce que c’était insupportable, et donc on s’est dit qu’il fallait qu’on rende cette douleur féconde, et avec leur héritage, leur mémoire, qu’on fasse quelque chose qui nous projette dans l’avenir et qui soit utile, qui ressemble à ce qu’ils étaient. Et comme, au fond, ils étaient des passionnés, l’une de journalisme, l’autre, c’était un technicien qui disait : « L’important, c’est d’émettre », et en toutes conditions, il trouvait le moyen d’émettre. Donc on s’est dit qu’on allait transmettre le flambeau à des jeunes sur le continent africain, l’endroit où on redevenait un être humain, et on s’est dit qu’on allait se tourner vers cette jeunesse, et c’est comme ça qu’on a créé cette bourse. Et ça dure depuis dix ans.
Dix ans plus tard, est-ce que cette bourse revêt la même importance, et surtout la même symbolique ?
Ce qui est intéressant, c’est que notre démarche est panafricaine. On a évidemment commencé au Mali, car il nous fallait dire aux Maliens que cet assassinat ce n’était pas le Mali mais des terroristes, et qu’on était aux côtés de la population malienne. Donc on a tenu à ce que la Bourse soit lancée à Bamako. Ensuite, on est allé à Madagascar, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en RDC… Et puis le Covid est apparu. Mais à quelque chose malheur est bon : ça nous a donné l’idée de travailler à distance, on a fait quelque chose sur le numérique, de panafricain, et cette fois-ci on a eu des lauréats qui venaient de Centrafrique, du Tchad, du Cameroun, on a eu aussi le Burkina Faso… Donc ça élargit encore la possibilité pour des jeunes de candidater, d’être retenus et de faire la formation. Je vois que chaque année, c’est plus important. Je vois même que tous ces merveilleux jeunes vont constituer une association, parce qu’on en a formé 180 - 90 techniciens, 90 journalistes -, et là, on va en avoir encore 20 de plus qui vont être formés. Ce qui prouve que c’est un réseau qui a du poids parce qu’aujourd’hui, à l’heure de fake news, des manipulations, des mensonges… c’est épouvantable ! Il y a une aspiration de ces jeunes pour produire une information professionnelle à l’image que celle que portaient Ghislaine et Claude et je pense qu’elle prend encore plus d’importance dix ans plus tard, compte tenu du contexte dans la bande sahélienne.
Justement, cette association qui sera montée par les 18 lauréats prouve déjà un vif intérêt de nos confrères et consœurs africains et africaines sur ce continent pour RFI. Comment expliquez-vous que cette bourse rencontre toujours dix ans plus tard un tel succès ?
Le 3 mai dernier, journée de la liberté de la presse, une trentaine de médias africains se sont regroupés sous le titre de « l’Appel des trente pour la liberté de la presse » au Mali, au Burkina et de façon plus générale dans la zone sahélienne. C’était un appel aux instances internationales mais aussi aux gouvernements de la zone pour garantir cette liberté de la presse, qui se destine d’abord aux citoyens. Comment est-ce qu’on peut être un citoyen à part entière et éclairé si on n’entend que des fake news et des manipulations ? Donc il est fondamental qu’il y ait un axe qui soit celui des professionnels de l’info et qui ne sont pas catégorisés comme issus des pays du Nord ou des pays du Sud. On voudrait nous faire croire qu’il y a du Nord ou du Sud, en vérité, il y a des atteintes à la liberté de la presse, et des gens qui se battent pour la liberté de la presse et donc, quelque part, pour la démocratie.
Aujourd’hui, cette bourse, dans le contexte actuel, une bourse d’autant plus, française, est-ce qu’elle a encore une pertinence ?
C’est un peu ce que je vous disais. D’abord dans le groupe France Médias Monde, il y a soixante nationalités, on a des rédactions partout, on a toutes les couleurs de la peau, donc on est un échantillon représentatif de la population mondiale et on ne me fera pas croire qu’il y aurait des gens qui n’aimeraient pas la liberté de la presse, qui seraient contre et qui adoreraient les manipulations de l’info et les fake news. Donc cette bourse, elle a toute son importance parce qu’elle rassemble des professionnels. On remettra le 2 novembre à Abidjan la bourse, on aura un documentaire qui sera projeté, tous les lauréats seront là, ou presque, les 18 plus les 2 prochains, et on aura un débat sur l’enjeu de la liberté d’informer.
De quoi va parler ce film ?
Ce film, il va raconter le cheminement de cette liberté depuis l’assassinat de Ghislaine et Claude. C’est aussi un film hommage à Ghislaine et Claude dix ans après leur disparition. Et aussi, on voit à quel point ce qui s’est passé à ce moment-là est toujours vivant, dans nos mémoires et aussi dans les faits. C’était le début de quelque chose qui ne va pas.
► [Appel à candidatures] «Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon» 2023
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