Abderaman Koulamallah, ministre tchadien: «Si Succès Masra veut revenir, la porte est ouverte»
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Au Tchad, les autorités répondent à Succès Masra. Notre invité le 17 août, l'opposant en exil a demandé un dialogue avec le pouvoir en vue d'obtenir un accord de réconciliation nationale, des garanties pour son retour et celui des autres exilés. Ce vendredi matin, le ministre tchadien de la Réconciliation nationale ouvre la porte au retour du chef du parti Les Transformateurs. Abderaman Koulamallah émet toutefois des réserves sur de nouvelles négociations.

RFI : Abderaman Koulamallah, vous êtes le ministre de la Réconciliation nationale du Tchad. Les demandes de Succès Masra vous concernent au premier chef. L'opposant demande un dialogue avec le pouvoir en vue d'une réconciliation nationale. Est-ce que vous acceptez ?
Abderaman Koulamallah : Nous acceptons toujours les dialogues avec les opposants. Est-ce que ces dialogues remettent en cause le processus qui est en place ? À ce moment-là, ça pose un autre problème. Parce que nous, nous avançons dans un processus qui va être un processus électoral, des institutions qui vont être mises en place dans quelque temps. Je ne pense pas que nous reviendrons en arrière sur ce qui a été fait. Cependant, nous sommes disposés à accueillir les opposants, quelles que soient leurs conditions à revenir au Tchad. Monsieur Masra, il me semble, a dit qu'il revenait avec ou sans accord. Moi, je lui conseille de revenir plutôt sans accord, de faire en sorte de rentrer dans le processus auquel beaucoup de Tchadiens adhèrent.
Succès Masra a fait d'ailleurs des demandes assez précises. Il parle de s'asseoir autour de la même table courant septembre, peut-être dans un pays africain extérieur au Tchad, avec des acteurs multiples. Ces exigences ne vous semblent pas réalistes ?
Ça ne répond plus à l'air du temps. On ne va pas refaire un second dialogue. Nous n'avons pas que ça à faire. J'ai des instructions précises du chef de l'État : de ne laisser aucun Tchadien à l'extérieur. Moi, je me base sur ces instructions. S'il veut revenir, la porte est ouverte. La réalité actuelle ne se prête pas à un nouveau dialogue, à des discussions interminables. Le train est en marche, il faut prendre le train et venir s'asseoir, il faut chercher à légitimer sa place sur l'échiquier politique par l'expression libre du suffrage du peuple souverain. Nous avons l'intention de rassembler tous les Tchadiens. Nous n'allons certainement pas revenir en arrière.
Pour cette réconciliation, Succès Masra avait certaines demandes. Il demandait des mesures de sécurité physique, juridique et politique, une amnistie, une relecture de la Constitution, un gouvernement de réconciliation et même une commission vérité et réconciliation. Pourriez-vous discuter de ces points avec lui ?
Quand on est un acteur politique, il faut voir comment marchent les institutions de la République. L'amnistie ne dépend pas du gouvernement. De deux, nous n'allons pas reprendre un dialogue nouveau. Mais nous sommes disposés à faire en sorte que tous les acteurs politiques trouvent leur place dans le processus. Nous faisons en sorte que personne ne soit exclu de la grande messe qui a eu lieu au dialogue national inclusif et qui a mis en place des recommandations. Personne ne peut remettre en cause ces résolutions, même pas le président de la République. Mais nous sommes disposés à faire en sorte que tous les acteurs qui le souhaitent soient mis à l'aise, pour qu'ils puissent exercer leurs droits démocratiques. Nous devrons faire en sorte d'être responsables pour que ce pays puisse émerger vers un système démocratique nouveau, que l'unité nationale soit une réalité dans le pays. Voilà la vision qu'un homme politique doit avoir du pays. Il faut voir la perspective de l'histoire d'un autre point de vue que celui de son sort personnel. Si telle personne n'est pas d'accord avec tel ou tel aspect de la Constitution, il peut toujours appeler à voter contre cette Constitution. Il nous reste 12 mois pour mettre en place des institutions et faire les élections. Est-ce que vous pensez qu'il faut encore revenir en arrière ? Ça me paraît défier le bon sens !
Le problème, Monsieur le ministre, c'est que beaucoup d'opposants en exil craignent de rentrer. Ils demandent des garanties, comme Succès Masra lui-même. Est-ce qu'il pourrait être arrêté, poursuivi par la justice s'il rentrait au Tchad ?
Moi, je ne suis pas la justice. Tout ce que je sais, c'est que même les personnes qui ont participé de façon violente aux événements du 20 octobre ont été graciées par le chef de l'État. Je ne pense pas qu'il y ait une exception pour tel ou tel opposant, il peut revenir comme tout citoyen tchadien, mais je peux vous affirmer que sa sécurité sera garantie.
Ça veut dire que si Succès Masra revient à Nnjaména, il ne sera pas arrêté ?
Je ne pense pas qu'il soit arrêté. Mais s'il est poursuivi par la justice, il répondra probablement de ses actes. Mais je ne pense pas que, si on a gracié les membres des Transformateurs, on puisse condamner Monsieur Masra à une peine de prison ou à ses partisans. Je ne peux pas, en tant que membre du gouvernement, m'avancer, mais je crois que le climat global, c'est un climat de réconciliation nationale. Maintenant, avant qu'il ne revienne, nous allons entamer des discussions pour voir dans quelles conditions, comment il va revenir, etc. Je suis disposé à l'écouter et à écouter tous les opposants qui veulent revenir. C'est ce que je fais tous les jours. Je fais revenir des opposants en leur garantissant la sécurité. Maintenant, les procédures judiciaires... On essaiera de voir dans quelles mesures la justice peut participer à l'apaisement du climat politique.
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