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Élections régionales en Côte d'Ivoire: «Un test pour le nouveau parti de Laurent Gbagbo»

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En Côte d'Ivoire, la campagne bat son plein en vue des élections régionales et municipales de ce samedi 2 septembre. L'enjeu est le contrôle des 31 régions et des grandes communes du pays. Mais c'est aussi le dernier test grandeur nature avant la présidentielle de 2025. Quelles sont les ambitions des trois grands partis ? Va-t-on vers un renouvellement du personnel politique ivoirien ? Entretien avec Ousmane Zina, maître de conférences agrégé de sciences politiques à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké.

Comptage des voix à l'occasion des élections locales, à Bouaké, dans le centre de la Côte d'Ivoire, octobre 2018 (photo d'illutration).
Comptage des voix à l'occasion des élections locales, à Bouaké, dans le centre de la Côte d'Ivoire, octobre 2018 (photo d'illutration). © AFP/Issouf Sanogo
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RFI : Ousmane Zina, est-ce que les élections locales de ce 2 septembre 2023 vont avoir aussi un enjeu national, en Côte d’Ivoire ?

Ousmane Zina : Tout à fait. Ces élections ont un enjeu national dans la mesure où ces élections, qui se déroulent deux ans avant les élections présidentielles très attendues de 2025, permettront effectivement aux différents partis politiques de tester leur force, de mobiliser leurs militants et d’affiner leur stratégie en vue de cette bataille de 2025.

Et quelles sont les communes d’Abidjan ou de l’intérieur du pays qui auront valeur de test ?

À Abidjan, vous avez la commune d’Abobo qui est considérée comme bastion classique du RDR à l’époque, du RHDP  (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix)  aujourd’hui, avec le maire Kandia Camara, qui est dans la continuité de ce qu’avait fait Hamed Bakayoko [ex-Premier ministre décédé en 2021, Ndlr]. Et en face, vous avez le candidat indépendant « affilié » au GPS [Générations et Peuples Solidaires] de Guillaume Soro, qui également fils d’Abobo, tente de trouver une certaine place.

Un candidat indépendant qui s’appelle ?

Koné Tehfour. Par ailleurs, vous avez la commune de Yopougon. Dans cette commune, on a le candidat du RHDP Adama Bictogo, qui va s’inscrire dans la continuité de Gilbert Kone Kafana. Il a le soutien du parti. C’est un poids lourd du RHDP qui fera face à Michel Gbagbo, fils de Laurent Gbagbo, et à Dia Houphouët, député PDCI [Parti démocratique de Côte d'Ivoire] de Yopougon. Et Yopougon présente en miniature en réalité ce qui annonce 2025.

Il y a deux semaines, le président du pays, Alassane Ouattara, a inauguré un nouveau pont sur la lagune d’Abidjan en déclarant que cet ouvrage valait plusieurs autres mandats. Est-ce à dire que le chef de l’État ivoirien souhaite une grande victoire électorale ce samedi pour pouvoir briguer un quatrième mandat en 2025 ?

On avait déjà entendu ce propos et c’est lui qui l’avait dit lors de l’inauguration du pont Henri Konan Bédié. C’était Henri Konan Bédié lui-même qui avait dit que le troisième pont valait d’autres mandats. Je pense que le président Ouattara prend à son compte cette formule, mais elle n’annonce pas sa propre candidature en 2025. Elle annonce clairement la volonté de voir le RHDP rester au pouvoir, continuer son œuvre de reconstruction post-guerre, de relance économique de la Côte d’Ivoire. Donc, je pense qu’il saisit l’occasion pour annoncer effectivement que le RHDP ne compte pas laisser la main aux autres partis politiques.

Il y a un mois est décédé Henri Konan Bédié. Est-ce que son parti PDCI n’est pas affaibli par cette disparition et par la guerre de succession qui s’en est suivie ?

La disparition de Henri Konan Bédié affaiblit le PDCI d’une certaine manière, parce que Henri Konan Bédié, c’était l’homme des grandes décisions, c’était celui qui dirigeait, qui organisait. Et forcément, c’est un baobab qui tombe. Donc, il faut soit continuer dans sa lignée avec les conservateurs, soit laisser la place à une nouvelle génération politique qui va transformer le PDCI.

Ce seront les premières élections depuis le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Est-ce que le nouveau parti, le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo pourrait en profiter ?

Oui. Je pense que c’est un vrai test pour ce parti d’essayer de conquérir le terrain au-delà de la figure de Laurent Gbagbo. C’est vrai qu’il est présent pour accompagner, mais ce n’est plus le Laurent Gbagbo qui harangue les foules, ce n’est plus le Laurent Gbagbo qui dispose de sa force de conviction et qui a été affaibli politiquement. Et donc, c’est un véritable test pour ce nouveau parti de Laurent Gbagbo.

À l’heure qu’il est, Laurent Gbagbo est toujours sous le coup d’une condamnation par la justice ivoirienne, et donc radié des listes électorales. Est-ce qu’il peut encore espérer pouvoir être candidat dans deux ans ou est-ce qu’il est plus probable qu’il devra passer la main ?

Il a dit lui-même, lors d’une conférence de presse, qu’il allait travailler à sa réintégration. Le jeu politique, c’est le champ des possibles. Si par la voie judiciaire, ça peut être compliqué pour lui, je pense que les négociations politiques permettent effectivement des opportunités de possibilité de réintégration. Donc, attendons de voir après ces élections municipales et régionales, comment il va finir sa stratégie en vue de sa réintégration. Mais rien n’est gagné pour l’heure.

Est-ce que ces élections peuvent être l’occasion d’un début de renouvellement des générations ?

Oui. Je pense, à mon avis, comme vous le voyez les trois grands au pouvoir. Henri Konan Bédié est décédé. Vous avez Alassane Ouattara qui, dans le passé, avait prévu de laisser la main à feu Amadou Gon Coulibaly. Vous avez Laurent Gbagbo qui a des soucis par rapport à sa réintégration sur la liste électorale. Et vous avez d’autres jeunes qui émergent. Le temps est en train de faire son travail par rapport à ces « monstres », à  ces figures fortes de la scène politique ivoirienne. Et donc, on voit poindre à l’horizon effectivement un renouveau générationnel qui va s’imposer avec le temps.

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