Joseph Mbeng Boum: notre rôle est «d'expliquer et de faire comprendre les avancées scientifiques»
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Il est le premier Africain subsaharien élu à la tête de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques, une organisation qui regroupe environ 72 associations à travers les cinq continents, plus de 15 000 journalistes. Le Camerounais Joseph Mbeng Boum, 33 ans, est directeur de publication au Cameroun du quotidien Échos Santé et de l'hebdomadaire Afrique Environnement. Il est aussi président national des « Journalistes scientifiques et communicateurs pour la promotion de la santé au Cameroun ». Élu pour deux ans à la tête de la FMJS (WFSJ dont le siège est à Montréal au Canada), il a pour mission de promouvoir le journaliste scientifique.

RFI : À quoi sert le journaliste scientifique dans la société ? Quel est son rôle ?
Joseph Mbeng Boum : Quand vous arrivez dans nos communautés, parfois quand vous trouvez un enfant drépanocytaire, il est considéré comme un sorcier, la famille parfois est discriminée. Pareil pour plusieurs problèmes liés à la science, à la santé, liés à la médecine, à la technologie : quand les questions scientifiques ne sont pas comprises, elles sont considérées comme relevant du paranormal. Et parfois, ce que la science ou les scientifiques proposent comme solution, très souvent ces solutions-là ne sont pas acceptées parce que mal comprises, mal interprétées, cela s’est vérifié encore avec le Covid-19 où vous avez bien suivi le discours qui considérait que les vaccins contre le Covid-19 avaient été développés pour tuer les Africains, etc. Donc le rôle du journaliste scientifique, c’est de pouvoir expliquer la science, faire comprendre les avancées scientifiques, il devient donc un acteur important pour le développement des sociétés.
Quelles sont les qualités du journaliste scientifique ?
En termes de qualité du journaliste scientifique, tout d’abord, comme tout journaliste, c’est quelqu’un qui doit être neutre, et au-delà de la neutralité, avoir quand même un minimum de connaissances en matière de sciences. C’est quelqu’un qui doit toujours garder un esprit critique, ne pas avoir un penchant pour un scientifique, pour une démarche, toujours rester dans la critique, pouvoir à chaque fois interroger, vérifier si effectivement la nouvelle scientifique qui arrive est vraiment opportune pour la population. Et aujourd’hui, un journaliste scientifique doit également pouvoir s’adapter à la technologie.
Comment diriez-vous que le journalisme scientifique se porte en Afrique subsaharienne ?
Le journalisme scientifique cherche encore ses repères, parce que contrairement à l’Europe où vous avez des écoles qui proposent des curricula, des formations bien définies, en Afrique subsaharienne, vous n’avez pas encore véritablement d’école. On est en train de travailler pour que peut-être dès la prochaine rentrée académique, qu’on puisse avoir au moins une ou deux écoles. L’autre réalité également, c’est qu’il y a une faible collaboration entre les journalistes scientifiques et les scientifiques, ou bien les autorités sanitaires, l’accès à l’information reste un véritable chemin de fer. Le financement, également, des recherches reste difficile. Vous savez déjà qu’en Afrique subsaharienne, la presse, de façon générale, suffoque parce que les politiciens ne définissent pas un véritable cadre de liberté de la presse. Ça fait bientôt 80 ans que le Royaume-Uni a son association de journalistes scientifiques, au Cameroun, par exemple, ça fait juste cinq années qu’on a pu mettre une association qui pose ses jalons tout doucement. Mais le contexte est assez difficile pour le journalisme scientifique. A contrario, vous savez que l’Afrique subsaharienne supporte 70% des cas de VIH, de Sida, du paludisme, et je ne saurais oublier des questions liées au changement climatique. C’est également un continent qui cherche à s’industrialiser. Dans une vision logique, le journaliste scientifique en Afrique devrait avoir du grain à moudre, mais je pense qu’il y a beaucoup de mentalités qu’il faut changer aujourd’hui en Afrique pour qu’effectivement, le journaliste scientifique puisse jouer son rôle. [Il faut] réduire également le gap qui entrave le développement du journalisme scientifique.
Et vous, Joseph Mbeng Boum, qu’est-ce qui vous a conduit au journalisme scientifique ?
Je dirais les décès, peut-être le décès de ma maman, parce que ça fait un peu plus de vingt ans aujourd’hui qu’elle est décédée, et j’étais encore tout petit, j’étais encore au collège. À l’hôpital, on n’avait pas réussi à nous dire des choses de façon claire, et moi je ne percevais pas qu’il y ait quelque chose qui ne puisse pas s’expliquer de façon scientifique, et je réfutais un peu cette idée où les choses étaient présentées comme relevant toujours du mystique. Ce n’est pas que je remette le mystique en cause, mais je pense quand même qu’on devrait pouvoir démontrer un certain nombre de choses et je me souviens qu’au lycée, c’est comme ça que je me suis inscrit au club « santé » et au club « communication », et depuis lors, j’ai commencé à développer une passion pour la science et pour la communication et l’information.
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