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Lutte antiterroriste: «Pour l'instant, nous n'avons constaté la présence d'aucune cellule permanente au Bénin»

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En 2019, deux Français étaient enlevés dans le parc de la Pendjari et leur guide béninois assassiné. Depuis, le Bénin a fait face à plusieurs reprises aux attaques de terroristes présents dans le Sahel et qui tendent à étendre leurs actions vers les pays côtiers. Leurs attaques ont d’abord visé les forces de défense et de sécurité, puis les civils, pour un bilan global de 25 soldats et une quarantaine de civils tués, ainsi que 63 terroristes neutralisés. Parmi les réponses du Bénin, l’opération Mirador lancée début 2022. Le colonel Faïzou Gomina en est le commandant. Il répond aux questions de Magali Lagrange. Un entretien enregistré avant l’annonce de la fin de l’accord de coopération militaire entre le Bénin et un Niger dirigé le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie.

Un soldat et un policier arrêtent un motocycliste à Porga, au Bénin, le 26 mars 2022 (image d'illustration).
Un soldat et un policier arrêtent un motocycliste à Porga, au Bénin, le 26 mars 2022 (image d'illustration). © Marco Simoncelli, AP
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RFI : Colonel Faïzou Gomina, quelles sont actuellement les zones géographiques au Bénin qui sont les plus exposées à la menace terroriste ?

Colonel Faïzou Gomina : Globalement, on peut parler de la région de l’Ouest, toute la bande à partir de Porga jusqu’à Daloga et cette bande-là est frontalière au Burkina Faso. C’est une région dans laquelle il y a beaucoup de menaces, beaucoup d’IED [Engin explosif improvisé, NDLR] et même des mines qui sont détectées ou qui explosent au passage des pauvres populations. En dehors de cette zone, on peut également citer, au niveau de la frontière avec le Niger, dans la commune de Karimama, quelques menaces qui sont récurrentes.

Qui attaque le Bénin ?

Globalement pour ce que nous savons, d’après nos services de renseignements et ce que nous constatons sur le terrain, et aussi les revendications qui ont été faites, il s’agit globalement de démembrements du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim).

Des groupes qui se trouvent où ?

Ce que nous savons des renseignements, c’est que leur base principale est au Mali. Donc, il y a des démembrements au Burkina Faso à partir desquels des infiltrations sont opérées au niveau du Bénin. Mais pour l’instant, nous n’avons encore constaté la présence d’aucune cellule permanente au Bénin.

Qu’est-ce qui vous fait être aussi sûr de vous pour dire qu’il n’y a pas de cellule au Bénin ? Le territoire est grand et il y a beaucoup de zones très sauvages.

J’ai dit que nous n’avons pas encore constaté. Donc, c’est cela qui me rassure. Le jour où on aura la preuve qu’il y a une cellule implantée de façon permanente, là, je vais revenir sur mes mots.

Quand pensez-vous pouvoir rouvrir le parc de la Pendjari ?

Nous, nous sommes prêts. Nous estimons que la sécurité est maximale au niveau des parcs et que ces parcs peuvent être rouverts. Mais nous attendons naturellement la décision politique, puisque c’est une décision politique qui les a fermés.

Qu’est-ce qu’il faut, d’après vous, pour mettre un terme aux menaces terroristes au Bénin ? Qu’est-ce qu’il manque ?

C’est vrai, nous avons des besoins au regard de la menace qu’il y a de plus en plus. Pour mieux protéger nos populations qui sont exposées aux mines et aux explosifs, il nous faut renforcer premièrement notre lutte contre les IED. Cela passe par la détection, donc beaucoup plus de matériel de détection, beaucoup plus de matériel et d’appareils de vision nocturne pour voir ces poseurs d’IED. Et je crois que cela permettra de mieux protéger les populations.

Vous avez l’impression d’avoir progressé quand même depuis le début de votre engagement contre les groupes terroristes ?

Beaucoup. Nous avons beaucoup progressé. Nous avons très vite appris de nos failles, tout au début puisque nous n’étions pas préparés. Mais aujourd’hui, je peux vous assurer que les militaires béninois sont de plus en plus aguerris, que nous avons de plus en plus de matériel pour faire face à la menace et nous sommes de plus en plus déterminés, beaucoup plus déterminés que par le passé pour sécuriser nos frontières. Pas un seul centimètre carré du territoire ne sera laissé à l’ennemi.

Mais les pays sahéliens y sont confrontés depuis dix ans. Qu’est-ce qui ferait que le Bénin serait mieux placé ?

Deux ou trois raisons. Premièrement, la géographie du Bénin qui fait que la position de nos parcs et des cours d’eau constitue pour nous déjà un premier abri. Ensuite, nous avons des populations résilientes qui renseignent et qui coopèrent avec les forces de défense et de sécurité. Enfin, la discipline de nos hommes et la coopération qu’on a avec nos voisins et les armées étrangères.

Comment se passe la coopération avec le Burkina Faso ? Je crois qu’il y a un droit de poursuite désormais, vous pouvez faire des incursions. Est-ce que ce droit de poursuite est déjà appliqué ?

Au niveau de l’initiative d’Accra, il y a certaines mesures qui ont été édictées, mais qui ne sont pas encore sérieusement en vigueur. Nous avons voulu avec le Burkina avoir un deal bilatéral. Notre chef d’État s’est rendu au Burkina Faso, une délégation militaire également s’est rendue au Burkina Faso rencontrer les autorités militaires. Pour nous aider tous les deux en fait (aussi bien le Bénin que le Burkina Faso), parce que cette lutte ne peut pas être menée par un seul pays, donc il faut de la coopération. Elles ont a priori donné leur acceptation, elles vont nous revenir certainement dans les prochaines semaines pour qu’on mette sur pied un plan définitif d’intervention.

Donc, il n’y a pas encore d’accord signé entre le Burkina Faso et le Bénin concernant cette question ?

Il y a des accords tacites qui permettent d’aller à quelques kilomètres, mais pas beaucoup plus.

Est-ce qu’une intervention militaire de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est toujours à l’ordre du jour au Niger ?

Cela ne concerne pas l’opération Mirador. Donc, je n’en sais rien. Ce sont des décisions politiques.

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