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Présidentielle à Madagascar: «Que la communauté internationale s’implique davantage dans la résolution de cette crise»

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À Madagascar, le face-à-face entre le camp du président Rajoelina et la coalition de onze candidats de l'opposition, est de plus en plus tendu. Le sénat vient de démettre son président après qu’il a déclaré avoir été l’objet de menaces, et qu’il s’est dit prêt - finalement - à assurer l’intérim de la présidence pendant le processus électoral, comme prévu par les textes. Un peu auparavant, les Églises avaient annoncé qu’elles renonçaient à leur médiation entre pouvoir et opposition. L'un des candidats blessés lors de la dispersion d'une manifestation demande un report du scrutin. Quelles peuvent être les conséquences de ces rebondissements ? Comment sortir de cette impasse ? Le point de vue de l’une des voix de la société civile malgache, Ketakandriana Rafitoson, la directrice exécutive de Transparency International Madagascar.

Le «collectif des 11» candidats de l'opposition s'est réuni le 29 septembre 2023 (photo d'illustration).
Le «collectif des 11» candidats de l'opposition s'est réuni le 29 septembre 2023 (photo d'illustration). © Sarah Tétaud/RFI
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RFI : Ketakandriana Rafitoson, les Sénateurs viennent de voter la destitution du président du Sénat, considérant que son revirement était un signe de « déficience mentale ». Comment réagissez-vous à cette décision ?

Ketakandriana Rafitoson : Je dirais tout simplement que c’était prévisible parce que, du moment où il avait fait ces révélation-là, on pouvait s’attendre à une réaction de l’autre côté. Et malheureusement, quand on dit « de l’autre côté », maintenant, il s’agit du Sénat et des institutions. C’est ce scénario que l’on a dénoncé, c’est cette capture de l’appareil étatique par une faction politique. Et c’est ce qui se passe exactement aujourd’hui. Au lieu d’ouvrir une commission d’enquête pour vérifier les dires de l’ancien président du Sénat, d’ouvrir une enquête pour voir si les allégations qu’il a faites étaient vraies ou non, et bien, ils ont tout simplement convoqué une session en urgence pour le destituer et pour le remplacer par une personnalité qui est un fidèle de Andry Rajoelina. On a cette sensation d’un deuxième coup d’État institutionnel qui vient de se produire en même pas un mois.

Ce qu’on peut rappeler, c’est qu’il avait refusé d’assurer la fonction par intérim de chef de l’État parce qu’il avait été menacé par des conseillers du président Rajoelina.

Exactement. Il avait même mentionné des membres du gouvernement dit « collégial » actuel qui l’avaient remplacé après sa soi-disant renonciation.

Est-ce que la décision que viennent de prendre les sénateurs est susceptible de recours ?

Il faudrait s’adresser, bien sûr, à la Haute cours constitutionnelle ou bien au Conseil d’État puisque c’est aussi un acte administratif, qu’on le veuille ou non. Mais là encore surgit l’inquiétude de la partialité de ces institutions-là. Vers qui peut-on se tourner aujourd’hui pour se faire justice ? C’est ça la question à Madagascar. On semble être dans un État total de non droit aujourd’hui et c’est intenable.

On le voit, le pays s’enferme un peu plus dans l’impasse. Comment, selon-vous, peut-on sortir de cette situation ?

Comme je l’avais dit, et je le maintiens, le premier pas serait que le candidat numéro trois, Andry Rajoelina, ouvre la porte au dialogue avec le collectif des 11 candidats. Parce qu’il faut absolument qu’ils s’assoient autour d’une table et dressent la situation du pays. S’ils se disent aussi patriotes les uns que les autres, ils doivent se concerter pour voir quelle sera la meilleure issue.

Et puis on en appelle aussi à la communauté internationale pour qu’elle nous aide à la réflexion. On a ratifié la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui condamne toute tentative de changement de pouvoir anticonstitutionnelle. Ce qui vient de se passer au Sénat est quelque chose qui peut être qualifié d’illégal. Donc on est déjà sur une pente glissante. Mais avant que l’irrémédiable ne se produise, il est absolument indispensable aujourd’hui que toutes forces vives se mettent en concertation et que la communauté internationale, sans nous dicter ce que l’on a à faire, nous propose aussi son assistance pour la résolution de cette crise.

Le FFKM, le conseil œcuménique des églises chrétiennes, a indiqué dans un communiqué qu’il mettait fin à sa médiation entre pouvoir et opposition. Qu’est ce qui rend la conciliation si difficile entre les autorités et le collectif des 11 candidats qui ont choisi de ne pas démarrer la campagne mais de manifester ?

Ce qui rend cela difficile, c’est tout simplement l’obstination de l’un des camps, c’est-à-dire le camp d’Andry Rajoelina et de ses partisans qui ne veulent absolument pas céder du terrain alors que la situation se dégrade rapidement. Pour rappel, le collectif des 11 candidats a entamé des manifestations, mais il fait face à une répression violente de la part des forces de l’ordre. Ces disparités de traitement entre le parti au pouvoir et les partis de l’opposition sont flagrantes. Le refus d’octroyer des autorisations pour manifester, pour organiser des meeting politiques, même en salle dans des situations privées… Tout cela crée des tensions supplémentaires et les églises ont fait face à un mur, si vous voulez, puisque les 11 candidats ont enchainé les ultimatums mais rien ne s’est passé. Et donc là, les 11 candidats ont décidé de ne pas faire campagne jusqu’à ce qu’il y ait une solution.

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