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Islam Zian Alabdeen: «La peinture, c'est un combat personnel»

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Le peintre soudanais Islam Zian Alabdeen vit en exil en France depuis un quart de siècle. Il expose actuellement et jusqu'à la fin août dans la galerie du showroom Duvivier à Paris. Sa peinture symboliste plonge au cœur de l'histoire et notamment de celle des pyramides nubiennes pour raconter le nomadisme et l'exil.

« Femme », Islam Zian Alabdeen, technique mixte sur toile, 60 x 51 cm
« Femme », Islam Zian Alabdeen, technique mixte sur toile, 60 x 51 cm © Aude Minart, La Galerie Africaine
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RFI : Islam Zian Alabdeen quand on regarde vos tableaux, on voit le travail d'un peintre symboliste. Qu'est-ce que ce symbolisme vous permet d'exprimer dans votre peinture ? 

Islam Zian Alabdeen : Le symbole, c'est une langue qui est basée sur le dessin. Et c'est une langue de communication qui existait entre les civilisations depuis 7000 ans avant Jésus-Christ. Je suis originaire du Soudan, et j'ai vécu dans le désert, autour des pyramides soudanaises. Les dessins sur les murs, ce sont des dessins qui racontent une histoire. Par exemple, pour le mot de continent, on choisit toujours le poisson. Le mot de l'amour, on choisit les chiens. Les mots de la vie, on choisit les vaches... Et moi, je suis fasciné par ces animaux. 

Vous utilisez donc ces animaux, ces symboles, ces dessins... Qu'est-ce qu'elle raconte votre peinture ? Elle raconte le Soudan, l'exil, le départ ? 

La peinture, c'est un combat personnel. C'est comme pour les écrivains, comme pour les poètes. Mais mon histoire à moi, c'était le nomadisme. Quand j'étais nomade, j'ai vu des choses qui ne me plaisaient pas. J'ai vu une injustice subie par des populations. Parce que le Soudan a beaucoup de tribus différentes. Il y en a 300. Il y a aussi ce que l'on appelle l'Afrique noire. Des populations proches de l'Afrique. C'est une population qui n'a pas retrouvé sa place au Soudan, et ce, pour beaucoup de raisons. Il y a des choses injustifiées. Il y a des choses que l'on ne peut pas justifier de nos jours. 

Tout ça, ce sont vos souvenirs, les souvenirs de l'exil, les souvenirs de l'enfance, les souvenirs de la famille ? 

Oui. Un exemple, le tableau en face de nous, c'est un tableau qui représente une femme et aussi un garçon qui tient un chat dans ses mains. Derrière lui, il y a un personnage à côté d'un seau. Et derrière lui, il y a une fenêtre, mais dans la fenêtre, on voit le symbole de la justice. On en revient aux symboles... Il y a l'âne et l'âne, c'est un symbole de la personne qui souffre en silence. À un certain moment, la famille revient toujours dans les tableaux. Mais, cette famille-là, elle n'a pas de frontière. Ni noir, ni blanc, ce sont juste des familles symboliques. Pourquoi symbolique ? Parce que, comme j'ai dit tout à l'heure, l'art du symbole, ça aide beaucoup à faire le conte. Quand on parle de la peinture, il y a des gens qui le prennent de façon sentimentale. Mais quand j'ai un travail qui touche à l'histoire, là, j'ai besoin de mettre des éléments qui conduisent les personnes qui voient mon travail à ce point-là.

Zian Alabdeen, je voulais qu'on parle un peu de la situation actuelle que traverse votre pays, le Soudan. Vous-même avez vécu le départ, l'exil. Prisonnier politique, vous avez été contraint de quitter l'université... Quand vous voyez ce qui se passe depuis 2019, et notamment ce qui se passe depuis le 15 avril [date de déclenchement des combats entre les deux généraux qui se disputent le pouvoir, NDLR], j'imagine que l'histoire qui bégaie plus qu'elle ne se répète doit vous sembler particulièrement tragique ?

Pour les médias internationaux, ça a commencé en 2019, mais pour moi, je l'ai vécu depuis mon enfance. La rébellion et la guerre et la rébellion, etc. Nous avons des gouvernements qui deviennent toujours dictatoriaux. Personnellement, je pense ça, ce sont les dernières étapes dans l'histoire de cette guerre. Nous, notre travail actuellement, c'est de faire en sorte que les populations se tiennent éloignées de cette guerre. Il ne faut pas qu'elles rentrent dedans. 

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