L'écrivain québécois Sébastien Dulude, révélation de la rentrée littéraire avec «Amiante»
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Amiante est un premier roman qui se déroule dans la région de Thedford Mines au sud de la ville canadienne de Québec. À la fin des années 1980, un jeune narrateur, Steve, que l'on suit de 9 à 15 ans, fait l'apprentissage de l'amitié et de la mort. Cela alors que l’industrie minière vit ses dernières heures avec l’extraction d’une roche tout en contraste puisqu’à la fois, elle protège, mais empoisonne. À l'image du titre de ce livre de Sébastien Dulude qui paraît aux éditions La Peuplade.

Né à Montréal en 1976, Sébastien Dulude a grandi de 6 à 16 ans dans le quartier Mitchell de Thetford Mines au Canada. Écrivain et éditeur, il est l’auteur de trois recueils de poésie dont Ouvert l’hiver (La Peuplade, 2015). Amiante, publié en 2024 aux éditions La Peuplade, est son premier roman.

RFI : Vous êtes né à Montréal, au Québec, où vous êtes éditeur et poète, mais les lieux que vous décrivez ici, vous les connaissez bien pour y avoir vécu tout jeune. Qu'est-ce qui a déclenché l'écriture de cette fiction ? Est-ce que c'est l'envie de raconter l'incandescence de l'enfance ou l'envie de décrire comment un environnement, à la fois très beau, mais en même temps toxique, peut engendrer de la violence ?
C'est exactement cette conjugaison-là. Je crois que je n'avais pas réalisé à quel point l'enfance avait cette incandescence. J'avais envie d'explorer l'amitié entre garçons à une époque d'innocence complète et de les situer à l'abri d'un monde, d'un environnement qui effectivement assez particulier – j'y ai grandi de 6 à 16 ans. Nous, on était à côté d'un des puits d'amiante, avec ces collines qui sont formées par l'extraction du minerai. C'est un lieu à la fois magique et dangereux. C'est-à-dire qu'il y a quand même des forêts, des rivières, etc. C'est une nature à quelques pas, à quelques coups de pédales de vélo. Alors cela donnait une enfance tout en innocence, mais avec un certain danger, dont on réalisait même pas la nature, tellement c'était omniprésent.
Amiante. C'est un mot fascinant parce que c'est un minéral qui a été utilisé pour isoler les bâtiments, mais qui s'est révélé toxique pour la santé. Et c'est une dualité que vous explorez dans cette fiction construite en deux parties, de la même façon que le mot amiante, si on déplace une lettre, on obtient aimante.
Aimanté, aimante, absolument.
Cela vous plaît, cette ambiguïté ?
Ah oui, beaucoup. J'aimais vraiment le titre. Je dis souvent que c'est le premier mot du livre. Pour les gens qui ont vécu à Thetford Mines, avec qui j'ai parlé lorsque je suis allé leur rendre visite pour un lancement récemment – je ne suis pas souvent retourné dans cette ville-là – ils ont le stigmate de ce mot. Avec les gens qu'ils rencontraient à l'époque, les années 1980, 1990, c'était comme si on portait une marque, comme si on portait un virus. Alors qu'il ne s'agit pas de cela du tout, c'est d'être en contact avec la matière, de l'avoir dans les poumons et de développer un cancer : cela ne se transmet pas.
Mais ce mot était stigmatisé négativement. Et là, tout d'un coup, il est sur un magnifique livre bleu, que les gens apprécient, avec une histoire dont on me dit qu'elle n'est pas si dure que cela non plus. Parce qu'il y a tout de même une bonne part de lumière. Je trouvais que je redonnais cet or blanc à ce mot, qui était tombé dans le bannissement à un certain point.
C'est votre premier roman et en France, il bénéficie déjà une réception formidable. Comment est-ce que vous vous expliquez ce succès ? Ou, en tout cas, comment est-ce que vous le ressentez, vous ?
Écoutez, je suis ravi, c'est sûr. Je ne m'étais pas permis de rêver à tout ce qui se passe en ce moment. J'ai une équipe extraordinaire. La Peuplade, c'est leur septième rentrée ici, donc vraiment, ils ont une présence auprès des libraires, une crédibilité très forte. Après, tout l'appareillage, les médias, les invitations aux festivals, les listes de prix, tout cela, ce sont les conséquences à leur travail de présence sur le territoire.
Mais, ultimement, plus j'y réfléchis, plus je pense que j'ai touché un air avec l'enfance. C'est le grand universel, je pense, qui fait que le roman traverse l'Atlantique, touche plusieurs générations, hommes comme femmes aussi. Les retours que j'ai individuellement des lectrices et des lecteurs sont bouleversants. Cela me touche énormément, c'est formidable et c'est toujours de l'enfance dont on parle en premier. Ce petit Steve qu'on voudrait prendre dans nos bras, je l'entends beaucoup, beaucoup. Je pense que j'ai créé un personnage qui parle beaucoup aux personnes qui l'accueillent.
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