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Nathan Law: «Nous devons continuer à résister au régime totalitaire chinois»

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C’était il y a 33 ans. Le 4 juin 1989, des chars roulent sur la place Tiananmen au cœur de Pékin, pour écraser dans le sang un mouvement étudiant réclamant la démocratie et la fin de la corruption en Chine. Pour commémorer les victimes, dont le nombre exact reste inconnu à ce jour, des rassemblements auront lieu ce samedi à Londres et dans d’autres villes à travers le monde. Entretien avec Nathan Law, éminent militant du mouvement pro-démocratie hongkongais, qui vit en exil à Londres.  

Le militant pro-démocratie Nathan Law, le 24 octobre 2017 à Hong Kong.
Le militant pro-démocratie Nathan Law, le 24 octobre 2017 à Hong Kong. REUTERS - BOBBY YIP
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RFI : Cette année encore, toute commémoration du massacre de Tiananmen est interdite à Hong Kong. À défaut de pouvoir allumer des bougies dans le parc Victoria pour rendre hommage aux victimes, comme c’était la tradition depuis le 4 juin 1989, vous organisez ce samedi un grand rassemblement à Londres. Sur Twitter, vous écrivez : « peu importe où que nous nous trouvons, nous devons continuer notre lutte pour la démocratie ». Quel message voulez-vous envoyer à Pékin ?

Nathan Law : Le régime totalitaire chinois veut que les atrocités qu’il a commises soient oubliées. Il espère que nous oublierons ainsi d’exiger qu’il réponde de ses actes et qu’avec le temps qui passe, nous oublierons aussi de commémorer les victimes. Pour nous, il est donc vraiment essentiel de continuer de rendre hommage aux victimes du massacre commis le 4 juin 1989, peu importe où nous nous trouvons. Nous devons alerter sur la vraie nature du parti communiste chinois qui n’a jamais changé. Nous devons continuer à résister.  

À Victoria Park, à Hong Kong, une veillée pour marquer le 30e anniversaire du massacre de Tiananmen, le 4 juin 2019.
À Victoria Park, à Hong Kong, une veillée pour marquer le 30e anniversaire du massacre de Tiananmen, le 4 juin 2019. REUTERS/Tyrone Siu

La plupart des militants pro-démocratie sont emprisonnés ou vivent en exil. Quelle sera l’ambiance ce 4 juin à Hong Kong, et de quelle manière les Hongkongais pourront-ils se souvenir ?

Il est quasiment impossible d’organiser le moindre rassemblement public à Hong Kong. Je suppose que les gens vont allumer des bougies chez eux, à la maison, car quiconque participe à un rassemblement risque d’être arrêté. C’est cela, la réalité politique à Hong Kong aujourd’hui. Donc, pour ceux qui se sont exilés à l’étranger, nous organisons des manifestations dans de nombreuses villes. Au Royaume-Uni, dans au moins dix villes, les gens allumeront des bougies pour commémorer les victimes, car c’est dans ce pays que vit la plus grande communauté de Hongkongais.

►À lire aussi : Hong Kong: une statue commémorant les victimes de Tiananmen démantelée

Depuis que vous avez dû quitter Hong Kong, vous n’avez jamais cessé de militer pour la démocratie dans l’ex-colonie britannique. Avez-vous pu reconstituer un mouvement pro-démocratie en exil ?  

Je ne dirais pas qu’il existe un vrai mouvement pour la démocratie à l’étranger, mais il y a de plus en plus de gens qui se mobilisent et militent pour cette cause, afin de réveiller les consciences et d’alerter l’opinion publique sur les violations des droits de l’homme en Chine. C’est de notre devoir. Nous avons fui Hong Kong, mais nous portons une responsabilité et devons être la voix des Hongkongais. Il faut rappeler au monde ce que s’y passe.  

La jeunesse hongkongaise, reste-t-elle mobilisée ou est-ce que les autorités chinoises ont réussies à museler toute opposition ?  

Je ne peux pas joindre mes amis directement sur place, car cela les mettrait en danger. Le gouvernement hongkongais pourrait les accuser de collusion avec moi. Cela suffirait pour les envoyer en prison. Ce que je sais, c’est qu’il est devenu extrêmement difficile de militer à Hong Kong. Mais je suis convaincu qu’il y a pas mal de gens qui tentent de continuer le combat. C’est un militantisme silencieux, ils soutiennent par exemple les prisonniers et leurs proches. Ils organisent des conférences privées pour manifester leur opposition.  

C’est justement pour avoir aidé les prisonniers et leurs familles que le cardinal Joseph Zen, âgé de 90 ans, sera jugé en septembre 2022. Que peut faire la communauté internationale pour raisonner Pékin ?  

Je pense que Pékin n’a plus peur des répercussions internationales. Ils sont déterminés à continuer sur la voie du totalitarisme. Nous devons donc renforcer notre vigilance, continuer à défendre la démocratie et aussi à forcer la Chine de rendre des comptes pour toutes les violations des droits de l’Homme commises sur son sol. C’est la seule manière de soutenir les Hongkongais qui continuent à se battre pour leurs libertés.

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