Le grand invité Afrique

COP27: «Une occasion unique pour les pays africains de remettre un peu d'équilibre dans la balance»

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La COP27 s’est ouverte dimanche à Charm el-Cheikh en Égypte, alors que les évènements climatiques violents se multiplient à travers la planète : sécheresse et inondations en Afrique, canicules et incendies à répétition en Europe... L’objectif de ce rendez-vous planétaire, qui rassemble 200 pays, est donc de donner un nouveau souffle à la lutte contre le réchauffement climatique et ses impacts. Durant cette COP africaine, les pays du Sud et en particulier ceux du continent vont réclamer des dédommagements financiers pour faire face aux catastrophes. Entretien avec Tanguy Gahouma, négociateur principal pour le Gabon à Charm el-Cheikh, ancien négociateur en chef du groupe Afrique à la COP26 de Glasgow l’an passé.

La COP27 s'est ouverte dimanche 6 novembre à Charm el-Cheick en Égypte.
La COP27 s'est ouverte dimanche 6 novembre à Charm el-Cheick en Égypte. REUTERS - SAYED SHEASHA
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Après Marrakech en 2016, cette COP27 se tient à nouveau en Afrique, on sait que le continent paie le plus lourd tribut au réchauffement climatique, l’Afrique peut-elle enfin parvenir à faire entendre sa voix, selon vous ?

Tanguy Gahouma : Effectivement, cette COP en Afrique se voudrait une COP africaine, donc c’est une occasion unique pour les pays africains de remettre un peu d’équilibre dans la balance. Depuis plusieurs années, et cela s’est vu encore plus à Glasgow, la voix des pays africains, qui paient pourtant le plus lourd tribut, n’est pas très entendue. Au cours de cette COP, nous espérons que les thématiques qui nous sont importantes puissent avancer, parce que c’est une occasion unique. On a beaucoup travaillé cette année sur des thématiques, notamment la thématique sur la transition juste et équitable que l’Afrique demande. Nous espérons qu’à cette COP-là soit reconnu le statut de l’Afrique, que l’Afrique possède des circonstances spéciales : l’Afrique est un continent en plein développement, nous avons le plus petit niveau de développement parmi tous ces continents, et nous souhaitons pouvoir obtenir une transition juste, notamment dans l’utilisation des ressources naturelles, donc les énergies fossiles – bien sûr, on doit stopper leur utilisation – mais nous sollicitons une adaptation, une planification de la sortie de l’usage des énergies fossiles par exemple, et ça, ça va être une des grosses thématiques que nous souhaitons faire avancer à la COP 27.

Les pays africains demandent à être mieux aidés pour faire face au changement climatique, ils militent aussi pour que soient financés les dégâts causés par ces bouleversements. Des résultats peuvent-ils être obtenus dans ce domaine, selon vous ?

Ça va être l’un des grands enjeux de la COP, donc cette COP nous, on l’appelle la COP de l’implémentation, parce que depuis le cycle de Copenhague jusqu’au cycle de Glasgow, toutes les COP sont des COP de promesses. Aujourd’hui, cette COP se situe comme un point de bascule, entre la fin des travaux de Paris où il fallait avoir un gros cycle technique pour pouvoir finaliser l’accord de Paris, ainsi ce qui a été fait à Glasgow, et nous rentrons maintenant dans l’implémentation, dans l’action.  À Glasgow a été délivré le dernier round de promesses, on a vu trois grands types de promesses sur la partie financière. Après l’évaluation qui a été faite l’année dernière par l’Allemagne et le Canada, pour la première fois depuis Copenhague, donc pour la première fois en 13 ans, on devrait atteindre enfin les 100 milliards de dollars par an, c’est exceptionnel et on espère vraiment qu’on pourra faire ce constat-là à Charm el-Cheikh. La deuxième chose, c’est le financement de l’adaptation, donc il y a eu aussi cette grande promesse : oui, nous avançons beaucoup sur l’atténuation, mais nous allons doubler le financement sur l’adaptation et nous allons veiller à l’équité, donc que les financements globaux soient répartis à 50% pour l’atténuation, à 50% pour l’adaptation. Donc, nous attendons aussi pour cette COP-là que soit démontré que les financements vers l’adaptation ont été doublés. Pour le troisième point, à Glasgow pour la première fois, nous sommes tombés d’accord sur un mécanisme pour activer les pertes et dommages. Dans le groupe G77, duquel le Gabon fait partie avec un ensemble de pays africains et autres pays en développement, nous avons demandé que le financement de ce mécanisme soit ajouté à l’agenda de la COP27.

Le fait d’être parvenu à mettre cette question des pertes et dommages à l’ordre du jour de cette COP, est-ce que c’est déjà un succès pour vous ?

Ça ne peut pas être encore considéré comme une victoire parce qu’on sait que la négociation va être âpre. Depuis Glasgow, on avait demandé que le financement des pertes et dommages soit acté, ça n’a pas été approuvé, tout ce qui a pu être approuvé, ça a été qu’un mécanisme d’action soit mis en place. Donc, il y a un mécanisme, mais qui n’a pas les moyens aujourd’hui d’agir. À la COP27, on espère qu’il y aura une décision sur le financement des pertes et dommages, qui est un point crucial pour les pays en développement.

Certains pays, comme le Gabon ou la RDC, mettent en avant leurs forêts ou leurs mangroves pour atténuer le changement climatique, votre pays, le Gabon vient, par exemple, de faire certifier ses crédits « carbone » qu’il va pouvoir commercialiser. Cela peut-il permettre de garantir la préservation de ces milieux naturels ?   

Il faut savoir que la protection de la nature, la restauration des espaces endommagés, tout ça représente au moins 30% des efforts d’atténuation qui nous sont nécessaires. Il est impossible aujourd’hui d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris sans compter sur les solutions basées sur la nature, sur la forêt principalement. L’Afrique, c’est vrai, est le continent le plus vulnérable, mais l’Afrique est l’une des dernières solutions de l’humanité également à travers le bassin du Congo. Donc, nous allons aller à cette COP pour faire en sorte que des mesures adaptées puissent être octroyées également à ces pays-là, non pas uniquement en faveur de la réduction, donc le phénomène REDD+ que tout le monde connait, mais également en faveur de la préservation, de la restauration, de la protection de ces espaces naturels que sont les forêts du bassin du Congo, qui sont désormais le poumon le plus important de la planète, devant l’Amazonie. Donc, nous avons de grandes discussions pour que soit consacré le rôle incroyable des forêts du bassin du Congo.

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