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Séisme au Maroc: «C'est un chaos, vous ne pouvez pas imaginer l'ampleur des dégâts»

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Notre invité aujourd’hui est Hamid Hammouche, restaurateur à Marrakech et très présent dans le milieu associatif. Il s’est retrouvé au cœur du séisme au Maroc, et depuis le 10 septembre au matin, il coordonne les aides pour les sinistrés de plusieurs villages, notamment celui de Tafeghaghte, situé à 4 kilomètres au sud de la ville d’Amizmiz. Il répond aux questions de Guillaume Thibault, avec une prise de son assurée par Julien Boileau.

Hamid Hammouche, restaurateur à Marrakech.
Hamid Hammouche, restaurateur à Marrakech. © RFI/Guillaume Thibault
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RFI : Hamid Hammouche, comment êtes-vous arrivé ici ?

Hamid Hammouche : (Voix haletante) Je vous explique. Je suis restaurateur à Marrakech et je fais partie du milieu associatif à Marrakech. En fait, ce qui s’est passé, c’est que le vendredi à 23h12 exactement, à Gafah, à 25 kilomètres d’ici, on avait un mariage. J’ai 61 salariés. Sur les 61 salariés, il y a 30 salariés qui habitent le village de Tafeghagte. Mes 30 salariés, serveurs, cuisiniers, sécurité, ouvriers, jardiniers, électriciens, ils ont tous perdu un membre de leur famille qui était sous les décombres. Voilà tout de suite l’ampleur de la situation. On a fermé le restaurant. Les personnes qui habitent ce village font partie de notre famille, ils travaillent avec nous 24 heures sur 24. Donc, on a mobilisé toute l’équipe et on est venu ici directement en intervention sur cette zone le dimanche.

Il y a combien de familles ici ?

Ici, il y a 300 familles. Sur les 300 familles, vous avez 160 blessés et on déplore 80 morts sur la zone. Et donc, la difficulté de ce séisme en fait, c’est que des douars [des groupements d'habitations rurales, NDLR] comme celui dont je viens de vous parler, il y en a beaucoup, beaucoup. Juste sur la zone-là, vous avez quasiment 2 000 personnes. Il faut comprendre l’ampleur du séisme et surtout la configuration du terrain. Ce n’est pas une ville unique qui a été touchée, ce sont des milliers de petites villes qui ont été touchées.

Et dans ces milliers de petites villes, une solidarité extraordinaire s’est mise en place ?

J’en ai les larmes aux yeux (sa voix se brise). C’est incroyable ce qu’on a vécu. On a vécu une solidarité énorme. Personne ne meurt de faim ! Personne ne meurt de soif ! Personne ne meurt de froid ! Absolument personne ! C’est incroyable cette solidarité, c’est juste irréel (sanglots)... C’est inimaginable ce qui s’est passé, le peuple marocain est un peuple énorme, extraordinaire, un peuple qui n’a pas de limite ! On sortira grandi de tout cela parce qu’on a des ravitaillements qui viennent de partout. Un véhicule tout simple est venu hier de Laayoune qui se trouve à 1200 kilomètres, 1400 kilomètres de cette zone. Le monsieur a roulé toute la nuit pour nous amener 30 couvertures, du sucre, des couches pour les bébés. Il avait la voiture pleine. Il est venu de Laayoune. Il faut que tout le monde sache que le Maroc est un grand peuple, un énorme peuple (pleurs).

Je suis vraiment désolé, c’est un chaos... Vous ne pouvez pas imaginer l’ampleur des dégâts... Vous ne pouvez pas imaginer le choc, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’est passé sur les montagnes du Maroc, de l’Atlas. Personne ne peut imaginer ça. Venez voir, vous comprendrez l’ampleur du désastre...

C’est aussi ce que nous disait une femme un peu plus bas dans le village : « Il faut sauver ce qui est vivant... »

C’est ça le plus important. On remercie les autorités qui ont été très réactives, les forces auxiliaires, monsieur le Bachar, le caïd, si vous voulez, qui sont des instances dirigeantes, on a un moquadem qui est l’équivalent d’un maire, on a un chef de village. Les instances se sont toutes réunies et la coordination s’est faite magnifiquement bien, il faut le dire. Les militaires ont été exceptionnels. Les docteurs de tout le Maroc sont arrivés, les infirmières de tout le Maroc. J’ai même eu deux étudiantes infirmières, en première année, elles étaient avec nous. Vous voyez, la solidarité a été mise en place. C’est fait.

Maintenant, on doit reconstruire, on doit se battre. L’hiver arrive dans un mois et demi. Et ça, pour nous, c’est une priorité. Les tentes, sur notre zone à nous, c’est parfait : tout le monde est à l’abri, à l’heure où je vous parle.

Tout est à imaginer et tout est à travailler, en fait. C’est ça la difficulté. Ce qui s’est passé, ce séisme qui nous a touchés, on en sortira encore plus grandi ! C’est sûr ! C’est sûr !

Donc, s’il vous plait, si vous voulez aider le Maroc, prenez un billet d’avion et venez au Maroc. Pour nous, c’est très important.

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