Marcel Kpoho, artiste béninois: «Tout ce que je fais découle de mes peines d'enfance»
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Il transforme des pneus récupérés en sculptures monumentales et souvent énigmatiques, chargées d'une dimension spirituelle très particulière. À 36 ans, le peintre et sculpteur béninois, Marcel Kpoho expose ses œuvres jusqu'au 21 octobre à Paris, à la galerie Art-Z.

RFI : Quand on voit vos masques et quand on voit vos sculptures, on est frappé par l’utilisation de la matière. Comment êtes-vous arrivé à choisir les pneus recyclés pour votre travail ? En d’autres termes, comment avez-vous rencontré cette matière ?
Marcel Kpoho : D’abord, à la base, j’ai l’habitude de travailler sur le côté ambivalent de l’homme, de l’être humain, sur les questions d’injustice dans le monde. En recherchant la matière avec laquelle je pouvais travailler, le « noir » du pneu qui m’a interpellé. Ce noir représente pour moi le rideau, le voile, que l’être humain porte. En même temps, il y a aussi un aspect environnemental et social. Et je vis à Cotonou, ville où les pneus font partie du paysage. On les voit presque partout dans les rues. Ce n’est pas un pays industrialisé où on réutilise ces pneus. Je me suis demandé ce que j’allais apporter à ma communauté et à mon pays ? Et voilà, c’est comme cela que j’ai commencé par recycler [des pneus, NDLR]
Alors justement, pour montrer à nos auditeurs à quoi ressemblent vos sculptures, il faut expliquer que vous découpez des lanières de pneus. Vous les courbez. Vous les enroulez et vous en faites des masques en gomme noire.
Oui, tout à fait. Je fais pas que des masques, je fais aussi des sculptures monumentales de plus de quatre mètres de haut. Pour moi c’est comme une transgression de l’être que je vois parfois en animal.
Il y a une spiritualité qui se dégage de vos sculptures. On a l’impression que vous cherchez à donner corps à l’invisible. Est-ce que c’est juste ?
Mon pays, c’est un pays de vaudou, un pays spirituel. Je peux dire que mes ancêtres ont été intelligents d’apporter l’esprit dans la matière, en fait. Un esprit qui possède une force ou qui a une certaine connotation. C’est une identité importante pour mon travail, parce qu’aujourd’hui, on voit que l’Afrique est en train de se perdre. On a une base d’identité qu’on est en train de rejeter, ou qu’on est en train de mettre de côté. Il faut que nous réappropriions notre identité. Il faut savoir d’où l’on vient avant de savoir où l’on va. Donc il faut que nous réappropriions notre identité ou notre spiritualité. Histoire d’avancer en fait.
Quelles sont les sources d’inspiration que vous avez eue dans votre vie ?
Tout ce que je fais découle de mes peines et de mes souffrances d’enfance. J’avais 14 ans ou 15 ans quand mon papa est décédé et je suis devenu responsable tout en étant encore adolescent. Donc je suis concentré sur moi-même. Et la majorité de mes créations viennent de mes douleurs et de mes peines.
Parfois, je suis quelqu’un qui pour ne pas parfois blesser les gens, se calme et se tait. Le genre à « crier pour exister et ne rien dire ». Et je suis à la fois un homme solitaire et un être social, qui aime la société à sa manière. Je dis souvent, « l’homme est fait en réalité pour aider son prochain ». Et, quels que soient les coups bas, quel que soit ce que la société lui a fait, l’Homme ne peut pas s’empêcher d’aider son prochain en fait.
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