Réactions mitigées après le feu vert de l’ONU à une mission internationale en Haïti
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Après un an d’hésitations et de négociations, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté hier soir (2 octobre 2023) une résolution approuvant le déploiement d’une mission internationale en Haïti. Elle doit durer un an. L’objectif est d’aider la police à lutter contre les gangs qui ne cessent d’étendre leur emprise à Port-au-Prince et sur des axes routiers majeurs. Le gouvernement haïtien y voit « une lueur d’espoir » pour son pays mais dans les rues de la capitale, les avis sont partagés.

En Haïti comme à Nairobi, on s’interroge sur la capacité du Kenya à mener cette mission. Le pays a proposé d’en prendre la tête et d’envoyer un millier d’hommes en appui à la PNH, mais le gouvernement kenyan souhaiterait un autre millier de policiers en renfort et, pour l’instant, les volontaires ne se précipitent pas. Plusieurs ONG demandent aussi un mandat très strict pour encadrer les policiers kenyans, accusés de répression brutale de manifestations dans leur pays, d’autant plus qu’en Haïti la précédente mission étrangère, la Minustah, a laissé des souvenirs douloureux.
Il y a urgence à agir, comme le montrent les nouvelles attaques de gangs, notamment dans la plaine de Cul-de-sac. Une habitante raconte avoir dû fuir avec sa famille, « avec un petit sac » pour ne pas attirer l’attention des bandits dans lequel elle a glissé « quelques affaires pour travailler, des produits de toilette et un bouquin pour pouvoir m’évader un peu quand c’est possible » et sans savoir où aller. Actuellement, la famille est divisée et la jeune femme ne sait pas où elle pourra vivre à la fin de la semaine, date à laquelle la personne qui l’héberge ne pourra plus l’accueillir. Lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense de la mission internationale, elle explique qu’elle redoute des affrontements encore plus violents et répond « je suis contre parce que je sais qu’on va en payer les conséquences tôt ou tard d’une façon ou d’une autre, mais je suis pour parce qu’on n’a pas d’autre choix. On nous met dans une position où on doit se résigner et accepter ce qui arrive. »
C’est également l’avis de Marie Rosy Auguste Ducena, responsable de programme au RNDDH (réseau national de défense des droits humains) : « Nous estimons que cette mission risque de jouer le jeu des autorités étatiques, leur permettre de donner l’impression que la sécurité est suffisamment rétablie pour la tenue d’élections et justement réaliser des élections qui risquent elles-mêmes de déboucher sur une crise. » L’avocate souhaiterait que « cette mission dise clairement ce qu’elle va venir faire » et Marie Rosy Auguste Ducena aurait surtout aimé ne pas voir renouveler les erreurs de la Minustah, la mission de l’ONU déployée entre 2004 et 2017 « qui, à son départ, a laissé un pays meurtri, des institutions démocratiques totalement dysfonctionelles… pour nous, la stratégie de sortie de cette force doit prendre en compte le renforcement effectif des institutions démocratiques pour éviter qu’on soit obligés, moins de dix ans après le départ de cette force, d’aller devant le conseil de sécurité et solliciter une nouvelle force en Haïti. » En l’absence de stratégie de sortie, la responsable de programme du RNDDH pense que le mandat de cette mission risque d’être renouvelé d’année en année, « tout ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui, nous l’avons déjà vécu et dommage, aujourd’hui encore la communauté internationale se met du mauvais côté de la barrière, c’est-à-dire qu’elle a choisi de ne pas écouter les recommandations de la société civile. »
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