Quand les coraux blanchissent, les poissons clowns rétrécissent
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La préservation des récifs coraliens, victimes cette année du pire épisode de blanchissement jamais observé, figure parmi les principales recommandations du Comité scientifique international réunis à Nice, en amont de l’UNOC, le sommet des Nations unies sur l’Océan. Avec une lueur d’espoir inattendue, apportée par une étude récente qui montre comment les poissons clowns parviennent à s’adapter à la hausse de température de l’océan : ils rétrécissent quand les coraux blanchissent.

Rétrécir pour ne pas mourir. L’astuce est de taille, c’est même une question de survie pour les poissons clowns, à l’image du célèbre Nemo de dessin animé, ces petits poissons très colorés vivent en symbiose avec les anémones de mer. Sauf que les anémones, comme tous les coraux du monde, vont mal, elles perdent leurs couleurs. Cette année 2025 a même vu le pire épisode de blanchissement jamais observé en raison de la hausse anormalement haute de la température dans les océans. Sachant que les massifs coralliens tropicaux abritent un tiers de la biodiversité marine, les scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme. Mais il y a tout de même une note d’espoir ou plus exactement de résilience du côté des poissons clowns avec cette étude, parue le 22 mai dernier dans la revue Science Advances. La biologiste et plongeuse Melissa Versteeg et ses collègues de l’université de Newcastle et de la société internationale des récifs coralliens ont étudié, pour comprendre l’impact des conditions environnementales sur la croissance des poissons coralliens, plusieurs couples reproducteurs de poissons clowns ayant élu domicile dans les massifs coralliens de Kimbe en Papouasie-Nouvelle-Guinée. De février à aout 2023, date d’un épisode particulièrement intense de blanchissement où la température de l’eau a dépassé les 32 degrés, ils ont plongé avec épuisette, pieds à coulisses et thermomètre, pour mesurer pendant six mois consécutifs l’évolution de la taille de ces poissons clowns en fonction de la température de l’eau.
Pourquoi suivre précisément des poissons clowns ?
D’abord parce qu’ils restent dans le périmètre de leur anémone et qu’ils sont très faciles à identifier avec leurs couleurs et leurs motifs uniques à chaque individu. Mais aussi et surtout parce que chez les poissons clowns, la taille a une grande importance et varie en fonction de la hiérarchie sociale. Au sommet, la plus grande, c'est la femelle reproductrice. C’est elle qui règne sur le territoire de l’anémone autour de laquelle vit le groupe, a expliqué Melissa Verteeg au quotidien Le Monde. Puis, vient ensuite le mâle reproducteur un peu plus petit, et enfin les dominés, des juvéniles qui ont intérêt à ne pas trop grandir. Pour éviter les conflits, ces poissons clowns de rang inférieur gardent une taille d’environ 80% inférieure au couple dominant.
Ce que cette analyse a démontré, en mesurant la taille de 134 poissons clown pendant six mois, tout en relevant parallèlement la température de l’eau, c’est que la plupart des poissons clowns, 101 sur 134 ont rétréci, rapetissé au moins une fois, au fur et à mesure que la température de l’océan Pacifique a augmenté. Ils ont perdu, en moyenne 0,5% de leur taille initiale et jusqu’à 7% pour ceux (41% d’entre eux) qui ont rétréci plusieurs fois ce qui est énorme. 7%, cela équivaut pour une femme de 1,65 m à 12 cm en moins, ce qui n’est pas rien. Et ce n’est pas tout, en démontrant cette surprenante relation de cause à effet entre stress thermique et raccourcissement corporel, les chercheurs ont aussi découvert que les poissons ayant rétréci au moins une fois, avaient de bien meilleures chances de survie que les autres (+ 78 %) et même que les couples de poissons clowns qui ont rétréci ensemble de concert, ont eu une probabilité de survie de 80% supérieure aux autres couples.
Reste à savoir si ce rétrécissement, probablement dû, c’est l’hypothèse de cette étude, à l’activation d’une hormone de croissance sous l’effet de la chaleur, pourrait être à l’œuvre chez d’autres espèces qui vivent dans les récifs coralliens. Ou bien, s’il s’agit d’une adaptation spécifique des poissons clowns qui n’ont pas fini de nous surprendre et de nous en faire voir de toutes les couleurs du vivant.
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