Le grand invité Afrique

Didier Alexandre Amani (Tournons la page): «Il faut veiller au retour à l’ordre constitutionnel au Mali, Niger, Burkina et Gabon»

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La coalition internationale d'ONG Tournons La Page a un nouveau président : le militant ivoirien Didier Alexandre Amani. Tournons La Page réunit plus de 250 associations d'Afrique et d'Europe. La coalition cherche à promouvoir la démocratie et l'alternance en Afrique. Quelles seront les priorités du nouveau président, quels sont ses principaux sujets de préoccupation ? Didier Alexandre Amani est notre grand invité Afrique du jour,  au micro de Laurent Correau.

Le militant ivoirien Didier Alexandre Amani devient le nouveau président La coalition internationale d'ONG Tournons La Page.
Le militant ivoirien Didier Alexandre Amani devient le nouveau président La coalition internationale d'ONG Tournons La Page. © TLP-Côte d'Ivoire
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RFI : Didier Alexandre Amani, quel est le dossier qui vous préoccupe le plus, en ce début de mandat ? 

Didier Alexandre Amani : Moi, mon mandat, je le commence en tournant le regard vers les États qui ont connu des changements d’ordre non-constitutionnel, notamment le Niger, la Guinée, le Mali, le Gabon, mais aussi le Burkina Faso. Il faut veiller à ce que l’ordre constitutionnel soit rétabli à travers des élections justes, transparentes et inclusives.

La priorité des priorités sera pour nous le Niger. Tournons La Page a condamné tous les coups d’État dans tous les États. Dans le même temps, nous allons travailler à la levée des sanctions parce que les victimes sont les populations qui déjà subissent les effets du coup d’État et subissent encore les sanctions. Donc, avec d’autres mouvements, nous comptons lancer une campagne de plaidoyer pour la levée des sanctions au Niger.

Il y a les élections à venir en RDC, mais surtout au Sénégal où, de plus en plus, l’espace civique est fermé, avec l’arrestation d’élus d’opinion, d’opposition, l’arrestation de journalistes, mais surtout l’arrestation de militants. Notamment l’arrestation d’Aliou Sané, coordinateur du mouvement Y’en a marre, qui est aujourd’hui en prison pour ses opinions. 

Le pouvoir de transition au Burkina Faso a décidé d’enrôler de force dans la lutte anti-terroriste des opposants, des voix discordantes. Qu’est-ce que cela dit, selon vous, de la gouvernance qui est maintenant en place à Ouagadougou ? 

Ces réquisitions sont des actes de bâillonnement, de fermeture pour l’expression des libertés. Les activistes, les syndicats et toutes les couches sociales doivent pouvoir s’exprimer. Nos camarades du mouvement Balai citoyen, Rasmane Zinaba et Bassirou Badjo, ont été arbitrairement réquisitionnés par le MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration). Nous condamnons ce genre de pratiques. Ce n’est pas une manière de créer des conditions idoines pour ramener la démocratie dans un État qui souffre déjà d’une question de gouvernance sécuritaire.  

Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya, a eu des mots terribles pour la démocratie : il a parlé d’un « modèle de gouvernance qui nous a été imposé et qui ne fonctionne pas ». Est-ce que vous êtes d’accord avec cette analyse ? 

Nous ne partageons pas cette analyse du président Doumbouya. La question de la démocratie est un combat africain. Ce combat traverse les temps et les générations. Et surtout la nouvelle génération qui est beaucoup et intimement liée aux questions démocratiques qui sont les seuls moyens d’exprimer des opinions vis-à-vis des dirigeants africains actuels. 

Dans plusieurs pays, on voit la liberté d’expression se rétrécir, quelles sont les mesures pour lesquelles vous souhaitez vous battre ou vous engager en matière de restauration de cette liberté d’expression ? 

Aujourd’hui, on constate que, dans nos États, des lois liberticides ne permettent pas aux populations de s’exprimer et surtout au niveau des réseaux sociaux. Le bâillonnement s’est déplacé du monde physique au monde numérique. Donc, aujourd’hui, [l’objectif] c’est de travailler à ce que nous ayons des lois qui permettent aux populations de s’exprimer, qui garantissent la liberté d’expression. C’est ça le défi. 

Vous êtes un spécialiste de la désinformation en période électorale et ces réseaux sociaux sont justement un canal important de désinformation. Est-ce que les signaux que vous recevez pour les scrutins qui s’annoncent sont rassurants ou préoccupants ? 

Les signaux sont préoccupants parce que les manipulations des opinions sont aussi une manière aujourd’hui de meubler le jeu politique. La désinformation manipule le citoyen : c’est son choix. Mais la désinformation discrédite les organes de gestion de l’élection, la désinformation fausse la légitimité des dirigeants. Le cas de la Côte-d’Ivoire, particulièrement, où, en période de pré-campagne, il y a eu de la désinformation sur la question de la CEI (Commission électorale indépendante), sur le fichier électoral, sur les outils et les méthodes de vote. Dans les pays où nous sommes en période de pré-campagne, au mouvement Tournons La Page, nous avons mis en place des mécanismes de prévention sur Internet pour contrer cette désinformation.

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