Présidentielle à Madagascar: «Rajoelina débute un nouveau mandat sans qu'on lui demande de comptes»
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À Madagascar, le président Andry Rajoelina a été officiellement réélu dès le premier tour, avec près de 59% des suffrages exprimés. Quel bilan tirer de ce scrutin du 16 novembre ? Quelques jours avant la présidentielle, avec son collègue Juvence Ramasy, l'économiste Olivier Vallée a publié dans la revue Le Grand Continent, une tribune où il s'est interrogé sur la possibilité d'un coup d'État institutionnel de la part du président sortant. En donnant la priorité aux attaques personnelles, il constate que l'opposition n'a peut-être pas choisi la bonne stratégie.
RFI : Olivier Vallée, le taux de participation est en baisse par rapport à 2018, il n’atteint que 46%. Est-ce un fait majeur dans l’élection de cette année ?
Olivier Vallée : Une bonne partie de ce qui mobilise les électeurs, ce sont les rétributions souvent très minimes : un tee-shirt, un sac de riz à se partager à dix, un peu d’argent liquide... Mais la mobilisation électorale, le jour du vote, se fait par des rétributions. À partir du moment où dix candidats, dont certains étaient des candidats d’une relative notoriété et habitués justement à une certaine générosité au moins dans leur zone d’influence, ont refusé de participer, il ne restait que deux candidats qui ont été très généreux : le président sortant et son challenger [Andry Rajoelina et Siteny Randrianasoloniaiko, NDLR] qui ont été en mesure, eux, de mobiliser beaucoup de votants. Et finalement, je trouve que 40% à deux, c’est un assez bon score en matière de participation.
Dans l’opposition, il y a un candidat qui n’a pas boycotté, c’est Siteny Randrianasoloniaiko. Il a été battu donc par le président sortant Andry Rajoelina. Mais n’a-t-il pas pris date pour l’avenir ?
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’avenir pour quelqu’un qui avait là une voie royale pour faire un score qui lui aurait vraiment permis de s’imposer comme leader alternatif au président sortant. Or, son score, qui fait à peu près 17%, reste relativement faible, même s’il est le deuxième après le président sortant. Donc, il y a un écart considérable. Sa campagne a été une campagne très coûteuse. Je ne suis pas sûr qu’il puisse retrouver dans quelques années cette même énergie et ce même montant de ressources face à un électorat urbain et des hauts plateaux qui reste très réticent finalement à sa personnalité d’homme du Sud, de côtier. Et il a fait également l’objet d’une campagne de dénigrement, souvent relayée d’ailleurs à Paris, en l’accusant d’être le candidat de Poutine, d’avoir des amis peu fréquentables. Qui peut se vanter d’ailleurs d’avoir des amis fréquentables ? Mais en l’occurrence, ces coups ont porté.
Et en tout cas, la polémique sur la nationalité française du président Rajoelina semble avoir fait pschitt ?
Tout à fait. Je crois qu’il y a certainement d’autres personnes de la classe politique malgache qui sont également françaises, qui sont également des hommes politiques connus. Donc, ça n’a rien d’une étrangeté ou d’une trahison. Le jugement sur la « malgachité » se fait non pas sur le passeport mais sur le faciès.
Est-ce que les ex-présidents Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina ont donné la priorité aux attaques personnelles par rapport à la défense d’un nouveau programme économique ?
Oui, c’est indéniable. On a beaucoup plus attaqué le président Andry Rajoelina sur justement sa nationalité française, sur sa proximité avec le milliardaire Maminiaina Ravatomanga, mais sans s’attaquer à la véritable faillite économique avec la destruction de la filière de la vanille, l’absence de devises, une inflation qui maintenant a pris un rythme qui menace une bonne partie de la population, la destruction du réseau routier... La liste est interminable. Alors est-ce qu’ils ont renoncé à faire ce palmarès ? En tout cas, c’est une analyse qui permet au président de recommencer un nouveau mandat avec des promesses nouvelles sans qu’on lui demande de comptes sur ce qu’il a réalisé auparavant. Et ce que signe un petit peu la réélection aux forceps d’Andry Rajoelina, c’est un aveu de faiblesse de sa part et finalement, à mon avis, une relative décomposition du pouvoir central, malgré les muscles que ses militaires essaient de montrer à chaque fois qu’il y a une contestation dans la rue.
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