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Niger: «Je pense que les gens demandent trop de choses contradictoires à Mahamadou Issoufou»

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Au Niger, depuis le 26 juillet dernier, certains acteurs suspectent l’ancien président Mahamadou Issoufou d’avoir joué un rôle trouble dans le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum. La semaine dernière sur nos antennes, Moussa Tchangari, le secrétaire général de l'association Alternative Espaces Citoyens, l’accusait même d’être « très lié » à ce putsch. Des accusations que rejette son entourage. Pourquoi Mahamadou Issoufou n’a-t-il pas condamné fermement la prise de pouvoir du général Tiani ? Pour quelle raison est-il aussi discret depuis le coup d’État ? L’ancien député du PNDS Ghousmane Abdoulmoumoune, proche de Mahamadou Issoufou, répond aux questions de RFI. 

L'ancien président nigérien Mahamadou Issoufou lors de la réception du prix Mo-Ibrahim 2021 à Nairobi, le 28 avril 2023. (Photo d'illustration)
L'ancien président nigérien Mahamadou Issoufou lors de la réception du prix Mo-Ibrahim 2021 à Nairobi, le 28 avril 2023. (Photo d'illustration) © Khalil Senosi / AP
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RFI : Que répondez-vous à ceux qui accusent Mahamadou Issoufou d’être lié au coup d’État du 26 juillet ? 

Ghousmane Abdoulmoumoune : Je pense que c’est certainement des personnes qui ignorent totalement qui est Mahamadou Issoufou et quels sont les rapports que Mahamadou Issoufou avait avec le pouvoir de l’ancien président Mohamed Bazoum. Nous, nous savons très bien quels rapports le président Issoufou avait avec le gouvernement de Bazoum. Nous savons très bien que le président Issoufou, à partir de la date où Bazoum a été investi, s’est totalement retiré de la gestion de la chose publique. Issoufou n’a jamais rien demandé au président Mohamed Bazoum. Tout ce qu’il a fait, il l’a fait parce qu’il jugeait que c’était bon pour lui.

Ce qui a semé le trouble, c’est le silence de Mahamadou Issoufou juste après le coup d’État. Il s’exprime une première fois sur les réseaux sociaux quatre jours après le putsch, puis trois semaines après, dans la presse. Mais, sans jamais condamner la prise de pouvoir du général Tiani.

Quand il a parlé, il l’a fait dans des termes qu’il a jugé appropriés.

Mais il ne condamne pas ouvertement la prise de pouvoir du général Tiani ?

Oui, je dis qu’il l’a fait dans des termes appropriés parce qu’il s’était engagé dans une action de négociations. Il ne pouvait pas être juge et partie. En condamnant automatiquement les militaires, il se met en posture de belligérance et donc, ça a une explication. Ce qu’il s’est passé, c’est que juste après le coup d’État, le cabinet - ou l’entourage de Bazoum - est entré dans une communication hostile contre le président Issoufou pour ses relations, pour ses liens qui ne sont pas du tout avérés, de toute façon, avec le général Tiani.

On rappelle qu’il a longtemps été proche, et qu’il l’est peut-être encore, du général Tiani. C’est lui qui l’a nommé à la tête de sa garde présidentielle en 2011.

Ils n’avaient que des rapports professionnels. De toute façon, c’est un militaire. S’il l’a nommé, c’est vrai, c’est qu’il avait confiance en lui. Mais après qu’il est parti de la présidence, c’était fini, il n’y avait plus aucun rapport entre eux. Donc je pense que les gens demandent trop à Issoufou, en même temps des choses contradictoires. On demandait à Issoufou de se retirer, de ne plus s’intéresser à la gestion de l’État, et en même temps, on lui demande de jouer le premier rôle pour jouer le pompier, mais ce n’est pas juste.

Mais Ghousmane Abdoulmoumoune, pourquoi la parole de Mahamadou Issoufou est-elle toujours aussi rare aujourd’hui ? Je précise que nous lui avons proposé de s’exprimer sur nos antennes mais qu’il n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Je n’ai pas d’explications à cela. Mais je comprends que le président de la République, depuis que ces événements sont advenus, communique très peu, et je pense qu’il a de bonnes raisons de le faire. Les termes que les gens voudront qu’il utilise, il ne peut pas les utiliser parce qu’il se mettra dans une posture où il ne peut pas être utile à la résolution de la situation. Je vous le répète, c’est une méthode de travail qu’il a adoptée et nous avons confiance que ça va porter ses fruits.

Quel rapport entretient-il aujourd’hui avec le général Tiani ?

Je pense que le chef de l’État actuel, le général Tiani, le respecte et l’écoute bien. Mais il y a certaines choses, certainement, qui sont en train d’être faites pour lever toutes les inquiétudes et vraiment passer un accord qui permettra de libérer ou de mettre le président Bazoum dans une situation plus confortable.

Quels pourraient être les termes de cette sortie de crise que vous évoquez ?

Je pense que nous avons une amorce de solution de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons entendu cette semaine une évolution de leur situation, qu’ils ne cherchent plus à restaurer le président Bazoum dans ses fonctions, et qu’on peut tourner la page et avancer dans la transition. Je pense que c’est une solution, ou plutôt un début de solution, si on ne demande plus à ce que l’ancien président Bazoum soit rétabli dans ses fonctions de président. Je pense qu’on peut trouver une solution, puisque de toute façon, tout le monde sait que ce n’est pas quelque chose qui est envisageable.

Donc ça voudrait dire, si on vous entend bien, qu’on pourrait arriver dans les prochains jours, les prochaines semaines, à une sortie de crise entre la Cédéao et les autorités nigériennes ?

Nous sommes sûrs qu’il y aura une solution entre eux puisque la Cédéao se réunira dans une poignée de jours. Certainement à l’issue de ce sommet, une solution à la crise va sortir. Le président Issoufou y travaille. Je pense que le tout va aboutir à un accord vraiment incessamment.

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