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Guinée-Bissau: «Il y a une tentative de coup d'État institutionnel envers l'Assemblée nationale»

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En Guinée-Bissau, le bras de fer se poursuit entre le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et le président Umaro Sissoco Embalo. Le chef de l'État accuse le chef du parlement, Domingos Simoes Pereira, d'être directement impliqué dans ce qu'il décrit comme une tentative de coup d'État. Réponse de l'intéressé ce vendredi sur RFI. Domingos Simoes Pereira accuse le président d'avoir cherché un prétexte pour dissoudre l'Assemblée et il rejette cette décision de dissolution. 

Domingos Simoes Pereira, lors d'un rassemblement pour les élections législatives en Guinée-Bissau, à Bissau, le 2 juin 2023.
Domingos Simoes Pereira, lors d'un rassemblement pour les élections législatives en Guinée-Bissau, à Bissau, le 2 juin 2023. LUSA - ANDRÉ KOSTERS
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RFI: Le président Umaro Sissoco Embalo affirme que vous êtes personnellement derrière ce qu’il a qualifié de « tentative de coup d’État ». Que lui répondez-vous ?

Domingos Simoes Pereira : Personne ne croit à cela, d’abord parce que j’étais en réunion avec trois autres éléments à ma maison quand on a appris que les deux ministres sont arrêtés. Et j’ai continué en compagnie de ces éléments jusqu’au moment où l'information est arrivée, qu’il y a eu un coup de force pour les libérer. Mais ce qui est aussi étonnant : aller prendre deux éléments qui sont arrêtés pour les transférer à la garde nationale, comment cela peut représenter une tentative de coup d’État, comment ? Comme je l’ai dit depuis le début, monsieur Emballo avait besoin d’un cadre d’anormalité pour justifier sa dissolution de l’Assemblée.

Pour vous, il n’y a pas eu de tentative de coup d’État à la fin de la semaine dernière ?

Il n’y a pas eu de tentative de coup d’État. C’est maintenant qu’on a même une tentative de coup d’État institutionnel envers l’Assemblée nationale populaire. Quand vous regardez notre Constitution, il est clair que le président n’a pas la compétence de dissoudre l’Assemblée nationale populaire.

Sur cette question, le président Umaro Sissoco Embalo affirme que dans un cas où l’implication de l’Assemblée est établie, il a le droit de prendre une telle mesure de dissolution du Parlement…

D’abord, où cela est-il écrit ? À quelle disposition de la Constitution fait-il référence ? Tous les constitutionnalistes qui connaissent notre Constitution soit en Guinée-Bissau, soit au Portugal, soit au Cap-Vert, sont en train de répéter exactement la même chose : C’est une violation flagrante et qui ne correspond qu’à l’intérêt politique de monsieur Emballo de charger l’Assemblée nationale populaire parce que c’est Domingos [Simoes Pereira] le président de l’Assemblée, donc il faut de toute manière l’empêcher d’être candidat dans l’élection présidentielle qui doit se tenir l’année prochaine.

Est-ce que vous entendez vous et le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) faire obstacle d’une manière ou d’une autre à la dissolution du Parlement ?

Il n’y a pas de dissolution. Non, il a fait un arrêté dans lequel il propose de dissoudre le Parlement. Le Parlement est là. Ce n’est pas l’arrêté qui dissout le Parlement. Aujourd’hui, la garde prétorienne empêche les députés d’accéder à l’Assemblée. Donc, il faut trouver un autre moyen pour qu’on puisse continuer à travailler. Et on va le faire.

Ce que vous dites, c’est que la décision du président de dissoudre le Parlement n’a pas de valeur juridique ?

Oui, car elle n’est pas en accord avec la Constitution, article 8.

Donc pour vous, cette dissolution est nulle et non avenue ?

Cela n’existe même pas. Ce n’est pas une question de nullité. Elle n’existe pas.

Est-ce que pour vous, on est potentiellement au début d’une nouvelle crise politique majeure en Guinée-Bissau ?

S’il y a ce risque, c’est un risque qui a été provoqué. On a un président de la République qui est intéressé à ce qu’on soit encore une fois dans une situation de crise alors qu’on vivait un moment d’espoir. Les Bissau-Guinéens étaient convaincus que c’était la bonne fois... les choses marchaient bien... Donc, le président était le seul intéressé à créer ce cadre de déstabilisation, à se donner la compétence de dissoudre le Parlement. Heureusement, notre Constitution ne lui donne pas cette compétence.

Comment peut-on sortir de cette crise, selon vous ?

Il ne faut pas contraindre les institutions au silence. Laissons l’Assemblée nationale populaire travailler. Le président sait déjà qui est coupable, il a dissout le Parlement, il va former un gouvernement de son initiative. Ce n’est pas ça la définition de la démocratie.

La communauté internationale reste pour l’instant très prudente sur la crise actuelle. Qu'attendez-vous d’elle aujourd’hui ?

La communauté internationale a un devoir envers la Guinée-Bissau parce qu’elle accompagne la situation interne, elle sait que nos institutions restent faibles. Et le sommet des chefs d’État qui va se produire ce dimanche à Abuja sera une opportunité que les chefs d’État auront pour demander que les institutions soient rétablies, pour que la normalité institutionnelle puisse fonctionner. 

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