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Tchad: «Une partie du pays est aujourd'hui vent debout et réclame le fédéralisme»

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Les Tchadiens votent ce dimanche 17 décembre pour un référendum constitutionnel. La soumission de cette nouvelle Constitution aux électeurs est l'une des étapes du processus de retour à l'ordre constitutionnel. Que prévoit le nouveau texte ? Quels sont les débats qui l'entourent ? Quelles sont les positions en présence ? À quelques jours du referendum, le point avec Ousmane Houzibé, enseignant de droit constitutionnel à l'Ecole Nationale d'Administration de N'Djamena.

[Image d'illustration] Le président du Conseil de transition du Tchad, Mahamat Idriss Deby Itno (au centre), arrivant pour assister aux célébrations du 63e Jour de l'Indépendance à Ndjamena le 11 août 2023.
[Image d'illustration] Le président du Conseil de transition du Tchad, Mahamat Idriss Deby Itno (au centre), arrivant pour assister aux célébrations du 63e Jour de l'Indépendance à Ndjamena le 11 août 2023. AFP - DENIS SASSOU GUEIPEUR
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RFI : Qu’est-ce que le projet de Constitution prévoit par rapport à la nature de l’État tchadien ?

Ousmane Houzibé : La nature de l’État proposée actuellement par le gouvernement dans le texte en projet pour le référendum du 17 décembre 2023 est la forme unitaire de l’État. La question de l’État fédéral est un vieux débat depuis la conférence nationale souveraine de 1993 où on a trouvé le compromis entre deux Tchad : une partie réclame un Tchad fédéral et une autre, un Tchad unitaire. Ce débat du fédéralisme est revenu dans le Dialogue national inclusif. La question ne pouvant être tranchée par les délégués réunis au Dialogue, le Dialogue a renvoyé de manière souveraine la question au peuple tchadien, afin qu’il tranche ce choix sur la forme de l’État. Finalement, le gouvernement a fait un seul choix et ne soumet pas deux textes dans l’isoloir : il propose un État unitaire décentralisé. Une partie du Tchad est aujourd’hui vent debout et réclame le fédéralisme.

Est-ce que cette question de la nature fédérale ou unitaire de l’État est le seul point qui fait débat, qui fait polémique, actuellement au Tchad ? Ou est-ce qu’il y a d’autres points qui sont débattus à l’heure actuelle ?

Effectivement, il y a plusieurs points qui entraînent un débat. D’abord, le premier, c’est la création de la Conorec, Commission nationale d’organisation du référendum, création unilatérale du gouvernement qui n’associe aucune formation politique, ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a un doute, et l’opinion publique au Tchad ne se cache pas pour dire qu’on ne peut pas être juge et partie. Un autre point qui suscite des débats, c’est le fait que les textes n’ont pas été rédigés par des juristes constitutionnalistes aguerris, ce qui, également, crée des polémiques entre les Tchadiens. Le troisième, et peut-être dernier point, c’est le fait que des partis politiques qui prônent le fédéralisme estiment que leur point de vue n’est pas pris en compte.

Dans ce texte constitutionnel, quelles sont les dispositions qui apportent des changements par rapport à la précédente Constitution ?

Ce texte reprend presque toutes les dispositions de l’ancienne Constitution, celle du 31 mars 1996, donc sur le plan juridique, on pourrait considérer que c’est une réactualisation d’une des constitutions que le Tchad a eues et qui est une des meilleures constitutions d’ailleurs. Donc les dispositions ont été reprises, améliorées, pour être proposées aux Tchadiens. L’autre aspect qu’on pourrait remarquer, c’est peut-être l’évolution de l’âge à la candidature à la magistrature suprême qui passe de 45 à 35 ans. C’est une innovation à ce niveau. Cela permet à Mahamat Idriss Déby d’être candidat, tout comme au docteur Succès Masra d’être candidat. La jeunesse pourra les départager dans les urnes.

Quelles sont les nouveautés qui sont contenues dans le titre XVII du projet de nouvelle Constitution qui porte sur l’Ange, l’Agence nationale de gestion des élections ?  

L’Ange, l’Agence nationale de gestion des élections, remplace simplement l’ancienne Commission électorale nationale indépendante, la Céni. Mais sinon, en termes d’innovation, il n’y a aucune différence avec celle de la Constitution du 31 mars 1996.

Quels sont les arguments des partisans du « oui » à ce référendum ?

Les partisans du « oui » prônent d’abord l’unité nationale et la cohésion sociale entre les Tchadiens. Pour eux, le Tchad doit rester un et indivisible. Toute idée contraire, c’est-à-dire le fédéralisme que prônent certains Tchadiens, peut être source de divisions, dans la mesure où le Tchad n’est pas suffisamment outillé ou aguerri pour accepter une gestion sur le plan fédéral. Ça, c’est l’argument fondamental du camp du « oui ».

Et quels sont les arguments de leurs adversaires, les partisans du « non » ?

Pour les partisans du « non », il n’y a pas d’autres alternatives que d’aller vers un Tchad fédéral. Seul le fédéralisme peut prôner l’égalité des chances entre les citoyens et peut-être restaurer une justice, une équité et la redistribution des ressources dans tout le Tchad.

Dans ce débat, on a aussi ceux qui défendent le principe de l’abstention, pourquoi défendent-ils l’abstention ?

Pour eux, ce référendum constitutionnel est truqué d’avance, à cause de la création unilatérale de la Conorec par le gouvernement. Pour eux, il faut reprendre le processus quitte à repousser le calendrier et impliquer tous les systèmes partisans dans la création d’un organe indépendant et impartial afin de jouer pleinement son rôle dans l’organisation du référendum constitutionnel et la suite des futurs scrutins présidentiel et législatif à venir.

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