Burundi: avec l'attaque du 20 décembre, «le groupe rebelle RED-Tabara affirme qu'il est toujours actif»
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Au Burundi, les autorités ont annoncé une attaque, le 20 décembre 2023, du groupe rebelle RED-Tabara, sur un poste frontière avec la République démocratique du Congo. Le bilan est de 20 morts dont de nombreux civils. Né au début des années 2010, le groupe conteste la légitimité du pouvoir en place au Burundi, mais il s'était fait oublier depuis quelques années, explique Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

RFI : Avant d'évoquer les événements de ces derniers jours, est-ce que l'on peut revenir sur l'origine des RED-Tabara ? C'est un groupe qui est né au début des années 2010 et qui est actif militairement depuis 2015.
Thierry Vircoulon : C'est un groupe d'opposition armé burundais qui est né après la crise de 2015 et qui s'est installé au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, à la frontière du Burundi. Et donc, ce groupe a mené des attaques contre les forces burundaises pendant un certain nombre d'années après 2015, mais on peut dire que depuis 2021, il n'avait pas conduit d'action contre l'armée burundaise significative.
Leurs revendications, quelles sont-elles ?
C'est un groupe d'opposition armé burundais, donc son objectif c'est de mettre fin au régime du CNDD-FDD au Burundi, et de permettre évidemment le retour à tous ceux qui sont partis en exil après la crise de 2015. Mais, ça reste maintenant, si je puis dire, un mouvement qui était un peu un mouvement fantôme qui avait disparu des écrans radar, sa dernière action militaire significative contre l'armée burundaise datant de 2021.
Les RED-Tabara ont donc attaqué ce 20 décembre des positions militaires burundaises faisant une vingtaine de morts, des militaires mais également des civils, qui étaient pris entre les deux feux. Pourquoi y a-t-il cette résurgence offensive ?
C'était devenu un peu un groupe armé fantôme et cette attaque, qui a eu lieu juste avant Noël, avait un peu une fonction symbolique et sert à rappeler que ce groupe existe toujours, parce que on pouvait en douter. Donc, premièrement, son objectif c'est celui-là, c'est de réaffirmer qu'ils sont toujours actifs, militairement parlant. Ils ont attaqué ce poste frontière, ce qui se faisait assez fréquemment à partir de la RDC. Et puis, ça s'inscrit aussi dans un contexte régional un peu plus large, c'est-à-dire qu’on voit aussi qu'il y a une dégradation des relations entre Bujumbura et Kigali, après une embellie, si je puis dire, il y a quelques années des relations entre Kigali et Bujumbura. Avec la crise du M23 en RDC, on a vu ces relations se tendre de nouveau. Donc, on peut aussi considérer que cette attaque fait partie de de cette dynamique régionale, le RED-Tabara ayant été dans le passé soutenu par Kigali.
À ce sujet, Évariste Ndayishimiye le président Burundais, accuse Kigali d'être derrière ces attaques, notamment cette dernière attaque. Est-ce qu'il y a des éléments objectifs qui permettent de telles informations, est-ce qu'il y a des financements ? Est-ce qu'il y a des équipements en armes ?
Non, pour le moment il n’y a pas de d'éléments objectifs, mais, comme je le disais à ses débuts, le RED-Tabara a en effet été soutenu par Kigali, donc cette accusation était évidemment assez logique, mais pour le moment il n’y a pas de d'éléments de preuve.
On estime que les effectifs des RED-Tabara sont entre 500 et 800 hommes, ce qui paraît assez faible numériquement. Qu'est-ce qui explique que les forces burundaises ne réussissent pas à circonscrire ce groupe ?
Ce groupe est installé au Sud-Kivu depuis des années, comme d'autres rebelles burundais avant lui, comme les FNL par exemple, il s'est enraciné au Sud-Kivu. Là-bas, il bénéficie d'un certain nombre de complicités et d'alliances, et donc, il est évidemment très difficile – même si l'armée burundaise est présente au Sud-Kivu depuis un certain temps – d'éradiquer ce genre de groupe. On voit bien que tous les groupes armés qui sont dans l'est de la RDC n'ont pas été éradiqués, donc celui-ci est dans une situation assez classique, on peut le dire.
Face à une relative inefficacité des forces burundaises d'une part, des rebelles RED-Tabara qui ne sont pas non plus pléthoriques de l’autre part, on se dit que ce conflit risque de durer encore longtemps entre deux forces qui n'arrivent pas à se neutraliser l'une l'autre.
Ça fait des années que les rebelles burundais sont installés au Sud-Kivu. Je disais qu’avant les RED-Tabara, il y avait les FNL qui étaient en situation similaire, donc on a affaire à des guérillas de basse intensité qui n'ont pas, en effet, la capacité de bousculer le régime burundais, mais qui peuvent mener des attaques épisodiques. Et, en effet, on est dans une situation de guérilla de basse intensité. Le RED-Tabara a mené une attaque, mais il n'en avait plus mené depuis longtemps, donc on a comme ça des résurgences en fonction des circonstances, et on va voir si le RED-Tabara mène d'autres actions militaires après celle-ci. C'est ce n'est pas non plus certain.
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