Alexandre Barro Chambrier, vice-Premier ministre: l'objectif est de «remettre le Gabon en ordre de marche»
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Au Gabon, à la faveur d’un remaniement ministériel, Alexandre Barro Chambrier vient d’intégrer le gouvernement de transition, quasi cinq mois après le coup d’État qui a renversé le président Ali Bongo. L’opposant, président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), a été bombardé vice-Premier ministre, en charge du Plan et de la prospective. L’économiste de 65 ans a prêté serment lundi 22 janvier et devient donc un des principaux personnages de l’État. Entretien.

RFI : Vous étiez en retrait depuis le début de la transition, qu'est-ce qui vous a convaincu de finalement l’intégrer ?
Alexandre Barro Chambrier : J'ai pu voir l'importance des réalisations. Nous étions déjà partie prenante au niveau parlementaire. C'est la suite logique. Nous sommes au gouvernement pour apporter notre expertise. L'orientation qui est donnée par le président va dans le bon sens. Nous sommes en train de rattraper le temps perdu. Évidemment, il faut du temps, nous avons 20 mois pour atteindre les objectifs qui ont été assignés.
Est-ce que c'est le fait d'obtenir un poste très élevé dans la hiérarchie qui vous a fait prendre cette décision ?
Non. Vous savez, j'ai déjà eu le privilège de servir le pays. La question qui se pose, c'est d'être en capacité de contribuer à remettre le Gabon en ordre de marche.
Pourquoi acceptez-vous d'entrer dans la transition, alors que bientôt, il y aura un dialogue national ? N'avez-vous pas peur de perdre votre liberté de ton au dialogue et de ne pas pouvoir y peser ?
Je suis un homme libre, attaché à la liberté de penser. Ce qui me guide est précédé par la nécessité d'apporter des solutions à notre pays.
Vous héritez du ministère de la Planification, dissous sous Ali Bongo, alors que dans le passé, c'était un ministère pilier. Tous les grands projets étaient imaginés, sinon validés par la planification. Aujourd'hui, est-ce comme cela que vous imaginez ce ministère ?
Oui, ce ministère doit reprendre la place qu'il n'aurait jamais dû perdre, celle d'avoir la vision à moyen et long terme du pays, de rompre avec l'improvisation et de compléter le dispositif de bonne gouvernance. C'est un ministère-clé pour créer les conditions du retour des investissements privés et une dynamique de croissance.
Concernant votre avenir politique, la charte de transition dit que les membres du gouvernement ne peuvent pas se présenter. En y entrant, mettez-vous fin à vos ambitions présidentielles ?
Il est plus important pour moi de me concentrer sur la tâche assignée. Nous irons au dialogue national. Nous verrons lorsque ces questions se poseront.
En septembre 2023, vous disiez sur RFI que la charte de transition devait être modifiée, notamment concernant les futurs candidats à la présidentielle, puisque les ministres, sénateurs, députés, en théorie, ne peuvent pas se porter candidats. Maintenez-vous ce besoin de modification ?
Non, je n'ai jamais parlé de cela. La charte de la transition a été conçue telle qu'elle a été conçue. Au niveau du dialogue, nous verrons quel sera le champ de ce dialogue. Je suis quelqu'un de clair, je n'ai jamais parlé de changer la charte. C'est un autre interlocuteur.
Maintenant, vous êtes au gouvernement, allez-vous abandonner la présidence de votre parti ?
Il est évident que je dois me concentrer sur ma tâche, mais vous imaginez bien que je ne serai pas très loin.
Le chef de l'État et le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ont lancé un très grand nombre de réformes. Ce n'est pas une situation de transition classique où le pouvoir se concentrerait surtout sur la préparation d'élections. Là, on est dans des réformes en profondeur, ça vous semble un bon choix ?
Nous ne pouvons pas laisser le pays pourrir. On a perdu beaucoup de temps à se diviser. Il faut être pragmatique et apporter des solutions aux attentes des populations.
Aujourd'hui, la personnalité du président Oligui Nguema est partout : il y a des panneaux publicitaires dans les rues, les médias publics chantent ses louanges, des hauts responsables l'ont même décrit comme un Messie. Ne craignez-vous pas qu'on tombe un peu dans le culte de la personnalité ?
On revient tellement de loin... C'est l'expression libre des populations. Il est probable qu’on rentrera dans une normalité, mais il y a une nouvelle espérance. Nous n'avons pas la culture de la déification, c'est un respect mutuel qui nous anime, vis-à-vis du président et de nos militaires qui ont eu le courage de mettre un terme à une situation plus supportable et la page est tournée, on passe à autre chose.
Justement, ces militaires, est-ce qu'à la fin de la transition, vous leur demanderez qu'ils retournent dans leur caserne et rendent le pouvoir ?
Bon, écoutez, nous avons encore 20 mois. Le moment venu, nous apprécierons. Le temps qui reste, il faut l'utiliser pour des réalisations palpables, des décisions fortes. Tout cela va être discuté dans le cadre du dialogue. À partir de là, on verra plus clair.
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