Sénégal: «Le fait que Bassirou Diomaye Faye a été retenu en prison a amplifié la campagne de ses partisans»
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Au Sénégal, l’opposant Ousmane Sonko et son second Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle, sont sortis de prison cette nuit (jeudi 14 mars), provoquant la liesse de milliers de Dakarois. Comment interpréter ces libérations à dix jours de la présidentielle ? Quelles conséquences auront-elles sur la campagne en cours et au-delà sur le scrutin du 24 mars ? Elimane Haby Kane, le président du think tank LEGS-Africa est ce matin notre invité. Il répond aux questions de Pierre Firtion.

RFI : Elimane Haby Kane, quelle lecture faites-vous du moment auquel intervient cette libération, d'Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye ? Qu'est-ce qui relève du juridique et qu'est-ce qui relève du politique dans le choix de ce moment, selon vous ?
Elimane Haby Kane : Je pense que, déjà, le motif qui est donné par le président de la République laisse croire, parfaitement, qu'il s'agit d'une ingérence de la politique dans le judiciaire parce que tout simplement le président a parlé de « décrispation ». Ce qui l’a amené à prendre une loi d'amnistie, qui reste une loi impopulaire, décriée par de grandes franges de la société sénégalaise, mais par laquelle intervient aussi la libération de deux leaders très populaires de l'opposition sénégalaise, à savoir messieurs Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, qui est lui-même candidat à l'élection présidentielle de 2024.
Comment se déroule depuis samedi la campagne de l'ex-Pastef ? Est-ce qu'elle a pu réellement démarrer sans que le candidat soit en liberté ?
Oui, il y a un paradoxe : le fait que le candidat Bassirou Diomaye Faye soit retenu en prison a amplifié justement la campagne de ses partisans. Et en même temps, on a vu que sa coalition s'est bonifiée avec beaucoup de ralliements d'autres leaders de l'opposition, et que leurs équipes ont fait le travail sur le terrain sans la présence du candidat. Et ça a été une des manifestations les plus visibles depuis le début de cette campagne électorale. Je pense que l’effet du candidat en prison, qui est un fait inédit, a également amplifié l'écho de sa campagne sans lui. Il a finalement été l'absent le plus présent dans cette campagne électorale.
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Certains candidats qui sont déjà en campagne sont proches du Pastef, des candidats comme Habib Sy ou Cheikh Tidiane Dieye. Est-ce que vous voyez leur présence dans la course comme un élément de force ou comme un risque de dispersion des voix pour l'opposition radicale ?
Je pense qu'ils ont quand même clarifié leur stratégie et leur posture. Ils ont dit assez rapidement qu’ils étaient des candidats dans une stratégie de maintenir la mouvance de l'ex-Pastef dans la course parce qu’ils étaient dans l'incertitude par rapport à la validation des candidats, de Bassirou… suite à l'invalidation de la candidature de leur principal leader Ousmane Sonko. Donc, aujourd'hui, dans la campagne, on se retrouve avec deux candidats qui, en réalité, battent campagne pour un seul, c'est-à-dire Bassirou Diomaye Faye qui reste finalement le candidat de la mouvance de l'ex-Pastef.
Est-ce qu'on sait ce que ces candidats vont faire maintenant qu’Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye sont sortis de prison ?
Ces candidats vont continuer à faire leur campagne avec les mêmes messages, c'est-à-dire se porter sur le projet, mais également adouber Bassirou Diomaye Faye. Donc, soit, d'ici la fin de la campagne, ils vont se retirer de la course après avoir occupé le temps d'antenne que cela leur confère au niveau surtout des médias publics. Ou bien, tout simplement, il vont donner des consignes claires et demander à ceux qui les suivent de voter pour un seul candidat pour éviter justement la dispersion des forces. Maintenant, c'est évident qu'aujourd'hui les têtes de pont, les véritables leaders, sont libres et vont certainement s'imposer et conduire le reste de la campagne. Ce qui ne manquerait pas de booster, effectivement, cette campagne et de confirmer cette tendance populaire qu'elle avait déjà.
Est-ce que cette libération est susceptible, selon vous, de changer la dynamique de la campagne ?
Je pense que ça peut surtout renforcer cette campagne, parce que la présence de leaders comme Ousmane Sonko, très populaire, va davantage drainer du monde autour de lui… des caravanes qui seront organisées, mais également ces messages librement professés vont certainement avoir un impact incisif pour le reste de la campagne.
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