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RDC: «Pour tout dialogue, la première condition est le retrait des troupes rwandaises», dit Christophe Lutundula

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Y aura-t-il bientôt une rencontre Tshisekedi-Kagame pour mettre fin à la guerre dans l'est du Congo ? C'est possible, nous dit le vice-Premier ministre congolais, Christophe Lutundula, qui est aussi ministre des Affaires étrangères. Mais le chef de la diplomatie congolaise pose des conditions. Et pour l'instant, il appelle la communauté internationale à adopter des sanctions contre le Rwanda. Christophe Lutundula était hier après-midi à Paris, où il a accordé une interview à Christophe Boisbouvier.

Christophe Lutundula, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la RDC à Paris, le 1ᵉʳ avril 2024.
Christophe Lutundula, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la RDC à Paris, le 1ᵉʳ avril 2024. © Paulina Zidi/RFI
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RFI : Christophe Lutundula, le 21 mars, vous avez rencontré votre homologue rwandais en Angola, une rencontre Félix Tshisekedi - Paul Kagame serait-elle possible ?

Christophe Lutundula : Les deux chefs d’État ont admis le principe, une telle rencontre, il faut bien la préparer pour qu’elle soit utile, qu’elle contribue effectivement à faire avancer le processus de paix. Nous avons exigé, de notre côté, que pour tout dialogue, pour crever l’abcès, la première condition, c’est le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais. En effet, le président Tshisekedi a affirmé que nous n’allons jamais accepter de négocier sous occupation, parce que nous n’allons jamais être indignes de notre pays. Il faut que cette armée sorte de notre pays, ça c’est la première condition, elle est préjudicielle.

Donc pas de rencontre pour l’instant…

La rencontre… Pour l’instant, le principe a été accepté, nous préparons cette rencontre-là, et dès que la préparation va avancer, ils vont se rencontrer.

Dans une interview récente à nos confrères du Monde, de Radio France et du Wall Street Journal, le président Tshisekedi accuse la communauté internationale de complicité avec les Rwandais qui agressent votre pays, mais est-ce que les Américains et les Français n’ont pas condamné publiquement le soutien des Rwandais aux rebelles du M23 ? Est-ce qu’ils n’ont pas demandé aux Rwandais de retirer leurs troupes de votre pays ?

Ça ne suffit pas. C’est positif, c’est une évolution qu’il faut saluer, mais nous disons qu’on ne doit pas se limiter à ça.

La visite officielle du président Tshisekedi à Paris à la fin de ce mois, le 28 avril, vous en attendez quoi de ce point de vue ?

D’abord, il faut souligner quand même que c’est la première visite officielle que le président va effectuer en France depuis qu’il est chef de l’État. Il est déjà venu plusieurs fois, mais à d’autres occasions. Donc c’est une visite qui doit être utile. Les problèmes sont là, nous avons le dossier de la crise à l’est, on a parlé de la position de la France, et je vous ai dit qu’il faut aller plus loin.

Plus loin, c’est-à-dire ? Des sanctions supplémentaires contre le Rwanda ? C’est ça que vous attendez ?

Oui, supplémentaires, parce qu’il y a eu un frémissement du côté de la France, mais ce n’est pas suffisant. Il faut des sanctions supplémentaires. Nous reconnaissons aussi le rôle que la France joue au Conseil de sécurité, comme la plume concernant la situation au Congo depuis pratiquement 30 ans, mais là il faut des clarifications. Nous espérons qu’après le passage du chef de l’État en France, il n’y aura plus d’équivoque. Il y a tous les dossiers de la Francophonie, il est quand même étonnant qu’il y ait une crise aiguë avec une tragédie humanitaire comme celle que nous avons à l’est du pays, que le deuxième pays francophone du monde, après la France en nombre de locuteurs, soit là, en train de subir l’agression d’un autre État membre de la Francophonie, et que tout cela soit vécu avec indifférence, à la limite de la complicité, parce que, quand on ne sanctionne pas, on ne désapprouve pas, ça signifie qu’on approuve, qu’on soutient, qu’on encourage, vous voyez… Donc il y a ce dossier, et au niveau aussi de la Francophonie, il y a même la gouvernance de la Francophonie, à travers son institution. Nous avons des propositions à faire, et ce sera fait au prochain Sommet de l’OIF, qui se tiendra je crois au mois d’octobre [en France].

Vous avez bien connu Chérubin Okende, notamment quand il était avec vous au gouvernement. Quelques mois après son passage dans l’opposition, il a été retrouvé mort dans sa voiture, le 13 juillet dernier à Kinshasa. Et aujourd’hui, le parquet conclut à un suicide. Est-ce que vous y croyez ?

Y-a-t-il autre conclusion venant d’une institution attitrée par la Constitution ? C’est la conclusion qui nous a été présentée par l’institution attitrée. Dont acte.

À ses obsèques, le Cardinal archevêque de Kinshasa, Monseigneur Ambongo, a déclaré : « Comment comprendre qu’un père de famille qui venait de marier sa fille se soit tiré des balles sur lui-même ? La conclusion absurde de l’enquête est la preuve que la justice de notre pays est vraiment malade  » …

Mais Monseigneur Ambongo, sur un autre sujet de justice, n’a fait que répéter ce que le président Tshisekedi lui-même a dit. Voilà, donc il n’y a pas de commentaires, le président l’a déjà dit, et ce n’est pas la première fois qu’il le dit. Ça pose problème et moi qui suis un ancien magistrat, j’en souffre aussi. J’ai la pleine conscience de ce que, pour que l’État existe, pour qu’il remplisse son rôle, il faut une justice qui fonctionne, c’est-à-dire qui rend le droit en toute indépendance, qui ne signifie pas une justice de l’arbitraire des juges. Et lorsque la justice ne fonctionne pas, je crois que là, ça pose quand même un problème de fond.

La famille de Chérubin Okende demande une contre-expertise sur les circonstances de sa mort…

C’est son droit, il y a des procédures qui permettent cela, c’est son droit, il n’y a pas de commentaires à faire, c’est son droit.

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