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Procès de l’attaque terroriste d'In Amenas: «Nous attendons des réponses que nous n’avons pas à ce jour»

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Ce 27 mai s’ouvre à Alger, le procès de quatre présumés terroristes, accusés du massacre d’In Amenas, dans le Sahara algérien. En janvier 2013, 38 employés avaient été tués sur ce site gazier par une colonne armée venue de Libye et commandée à distance par le chef terroriste Mokhtar Belmokhtar. Vingt-neuf assaillants avaient été abattus par l’armée algérienne. Parmi les employés internationaux tués dans cette attaque, il y avait le logisticien français Yann Desjeux. Aujourd’hui, sa sœur et son petit-frère sont à Alger pour assister au procès en tant que partie civile. Entretien avec Marie-Claude Desjeux.

Yann Desjeux, ancien parachutiste de l'infanterie de marine française, a été tué lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine, en janvier 2013.
Yann Desjeux, ancien parachutiste de l'infanterie de marine française, a été tué lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine, en janvier 2013. © AFP/P. Tohier
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RFI : Qu'est-ce que vous attendez de ce procès à Alger ?

Marie-Claude Desjeux : Nous attendons des réponses que nous n'avons pas encore eues à ce jour. La question qui est primordiale, c'est celle de tenter d'avoir la réponse définitive sur le lieu exact de la mort de mon frère Yann.

Et votre frère était retenu en otage par les terroristes, c'est ça ?

Tout à fait. Il a été retenu en otage. L'attaque a eu lieu vers 05h40 le mercredi 16 janvier [2013] au matin.

Et a-t-il été tué en même temps que les autres otages ?

C'est la question que nous ne connaissons pas, puisque nous avons eu des témoignages. Je sais qu'il y a eu deux nuits, en tous les cas les nuits du mercredi au jeudi et du jeudi au vendredi, où il a été attaché dos à dos avec un rescapé, qui est un Irlandais qui s'appelle Stephen McFaul, que nous sommes allés rencontrer en Angleterre et qui nous a dit que ces deux jours-là, il était avec lui. Ensuite, ils ont été mis dans le fameux convoi qui devait repartir sur la Libye.

Le convoi des terroristes ?

Le convoi des terroristes qui avait mis à bord les otages rescapés, puisque l'objectif était de retourner en Libye et de réclamer des rançons. Et Stephen McFaul a été mis dans un 4x4 différent de celui de mon frère, et il perd sa trace à ce moment-là.

Et on sait que ce convoi organisé par les ravisseurs est attaqué par les forces de sécurité algériennes…

Tout à fait. Ils ont été attaqués par des hélicoptères, plusieurs véhicules ont été brûlés. Et Stephen McFaul nous a bien confirmé que les hélicoptères tiraient du haut sur le convoi. Et Stephen McFaul, pour une raison qu'on ne connaît pas – d'ailleurs, il en est resté tellement traumatisé qu’il est dans un état épouvantable –, c'est quasiment le seul rescapé et il a vécu l'enfer.

On a longtemps soupçonné l'Algérie de ne pas dire toute la vérité sur l'issue de l'attaque d’In Amenas. Est-ce qu'il n'y a pas aujourd'hui de la part d'Alger un effort de transparence ?

On espère. Je serais tentée de vous dire que nous partons confiants. Nous sommes heureux de pouvoir aller jusqu'à Alger. Ça a été un peu à la force du poignet pour être très franche, mais nous y sommes arrivés grâce au concours des autorités françaises et de l'Algérie qui nous a accordé ces visas. Donc, on voit en cela quelque chose de positif et nous espérons effectivement y trouver les dernières réponses qui nous manquent.

Dans le box des accusés, il devrait y avoir, à partir de ce lundi, quatre présumés terroristes. Est-ce que vous avez des précisions sur leur identité 

Alors, il y a le fameux Derouiche qui sera dans le box et qui, lui, a eu un rôle très actif et qui était un proche de Mokhtar Belmokhtar.

Qu'est-ce que vous attendez de ce dénommé Derouiche et des autres terroristes présumés ?

Écoutez, j'aimerais lui poser la question de savoir s'il a croisé mon frère. J'aimerais savoir où il a été tué. C'est quand même incroyable que, sur tous les otages qui ont été relevés sur place, il n'y en ait qu'un sur lequel nous n'avons pas d’informations.

Il y a beaucoup d'informations sur les autres otages tués, mais pas sur votre frère ?

Non, pas sur mon frère.

Mais lors des événements de 2013, vous avez pu aller une première fois à Alger pour identifier le corps de votre frère…

Oui, tout à fait, et son cercueil a été rouvert en France, où il y a eu une autopsie qui a donné comme précision qu’il avait été tué de neuf projectiles. Je vais être très franche, j'ai vu les photos de l'autopsie, c'est un carnage. Et il y a toute l'analyse des balles, des projectiles qui ont été utilisés, qui sont des projectiles de kalachnikov. Mais voilà, nous, on aura toujours un grand doute, c'est finalement de savoir par qui a-t-il été tué ? Par les terroristes ou par l'armée algérienne ? Ça ne changera rien à la finalité, mais c'est vrai que c'était une question qu'on s'est posée.

Le chef du groupe terroriste qui a attaqué In Amenas, c'était Mokhtar Belmokhtar, qui, lui-même, a été tué deux ans et demi plus tard dans le bombardement par des avions occidentaux de sa base de repli dans le désert libyen. Est-ce que vous regrettez sa mort ?

Pas du tout. Je n'ai pas de sentiment de haine. Enfin, je dis « je », mais c'est ma famille. Nous n'avons ni un sentiment de haine, ni un sentiment de vengeance. Donc, je vais dire que je ne m’appesantis pas sur son sort. De même que m'a été posée la question par des amis proches qui m'ont dit, « tu vas à un procès où la peine de mort existe ». Oui, mais je ne rentre pas dans ce débat-là. Moi, je viens d'un pays où la peine de mort a été abolie. Je ne vais pas me réjouir d'une peine de mort potentielle dans un autre pays, mais j'avoue que ça n'est pas mon sujet en y allant.

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