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Dissolution de l'Assemblée en France: «Ça changera les rapports avec l'Afrique», estime Moussa Diaw

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Coup de tonnerre en France. Après la percée de l'extrême droite aux élections européennes, le président Emmanuel Macron a décidé, dimanche soir, de dissoudre l'Assemblée nationale. Il y aura donc des élections législatives le 30 juin. Réaction à chaud d'un universitaire africain. Moussa Diaw est professeur émérite en sciences politiques à l'université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal. En ligne de la métropole du nord du Sénégal, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Vue d'ensemble de l'Assemblée nationale française, le 3 octobre 2022.
Vue d'ensemble de l'Assemblée nationale française, le 3 octobre 2022. © REUTERS/Benoit Tessier
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RFI : Moussa Diaw, après cette percée de l'extrême-droite en France et cette dissolution, quelle est votre réaction ?

Moussa Diaw : Ma réaction, c'est de considérer qu'il y a un événement majeur, un événement politique majeur qui va bouleverser la configuration politique en France et qui aura également un impact considérable dans les rapports entre la France et l'Afrique.

Est-ce qu'à vos yeux Emmanuel Macron a eu raison ou pas de dissoudre ?

À mon avis, il n’était pas obligé de dissoudre parce que ce sont des élections européennes. Mais là, cette décision, c'est un aveu d'échec. Il aurait pu résister autrement, considérer cette élection-là comme un avertissement par rapport à sa politique et essayer de redresser la barre. Mais le fait de dissoudre, c'est vraiment confirmer et accepter la percée de l'extrême-droite.

Et si demain le Rassemblement national gagne les législatives et si Marine Le Pen ou Jordan Bardella devient Premier ministre, qu'est ce qui va changer à vos yeux dans la politique africaine de la France ?

Tout va changer, il va y avoir d'abord une cohabitation et ça changera les rapports avec l'Afrique, dans le sens où il y aura beaucoup plus de respect de la souveraineté des États africains, il y aura moins d'interférence dans les politiques intérieures africaines. Et certaines revendications d'ailleurs, qui sont maintenant posées par un certain nombre d'Africains par rapport à la souveraineté, vont avoir un écho favorable. Et en même temps le Rassemblement national, je ne crois pas que ça soit un parti politique comme les autres, parce que son idéologie est basée sur un discours de haine, un discours radical avec un certain nombre de lois qui limitent l'immigration, parce qu’on parle de tolérance zéro au niveau de l'immigration, donc tout cela constitue des formes de discorde entre cette conception de la politique et une ouverture de la France dans travers le monde.

 « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance. Nous sommes prêts à redresser le pays et à mettre fin à cette immigration de masse », déclarait Marine Le Pen le 9 juin 2024.

Oui, ça veut dire qu'elle n'a pas changé, ça veut dire qu’elle tient à durcir les lois sur l'immigration et en même temps, ça peut constituer un obstacle quant à ses relations avec certains pays qui ont une immigration, une diaspora en France.

Est-ce que ça peut compliquer les relations avec le Sénégal ?

Oui, tout à fait, parce qu'il y a une diaspora sénégalaise en France qui a joué un rôle important dans les changements qui sont intervenus au Sénégal au mois de mars dernier et cela pourrait un peu distendre les relations.

La visite de Marine Le Pen à Dakar il y a 18 mois et l'audience que lui a accordée à l'époque le président Macky Sall, comment cela a été perçu au Sénégal ?

Ah oui, cette visite de Marine Le Pen au Sénégal a été diversement appréciée. Certains considèrent que c'est normal parce qu’elle est députée à l'Assemblée nationale, d'autres par contre l'ont sévèrement critiquée, sinon combattue, par rapport au respect des citoyens, notamment de l'immigré. De ce point de vue-là, Marine Le Pen symbolise un discours qui est porteur d'intolérance.

Et si demain l'extrême droite gagne les législatives en France, comment voyez-vous les relations entre le futur Premier ministre français et le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko ?

Oui, si jamais Marine Le Pen arrive au pouvoir, je verrais mal qu'elle puisse nouer des relations correctes, normales, avec le Premier ministre sénégalais parce qu'ils ne partagent pas la même idéologie, parce qu'ils n'ont pas les mêmes valeurs. À mon avis, je ne vois pas comment ils peuvent se rapprocher.

Quelles sont les préférences politiques d'Ousmane Sonko en France ?

Ses préférences politiques, c'est d'abord l'ensemble de la gauche, c'est plutôt Jean-Luc Mélenchon et peut-être certaines idées du Parti socialiste qui sont des idées de tolérance par rapport à l'étranger et à l'endroit des immigrés.

D'où la visite de Jean-Luc Mélenchon à Dakar il y a quelques semaines ?

Oui, tout à fait, c'est à partir du moment où Jean-Luc Mélenchon a toujours soutenu les leaders politiques du Pastef, il a même participé à un meeting où il est intervenu pour les soutenir, pour demander leur libération, aucun autre leader politique en France ne l'a fait.

À l'époque où ils étaient en prison ?

Oui, à l'époque où ils étaient persécutés, aucun autre leader français ne s'est prononcé sur leur sort. Il est le seul à l’avoir fait et à avoir participé à un meeting organisé par les militants du Pastef. Et donc il y a une certaine reconnaissance et c’est ce qui a rapproché Jean-Luc Mélenchon des leaders politiques du Pastef.

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