Le grand invité Afrique

Marie-Ange Saraka-Yao (Gavi): «La souveraineté vaccinale des Africains commence aujourd'hui»

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La levée de plus d'un milliard de dollars pour accélérer la production de vaccins en Afrique... c'est l'enjeu du forum mondial qui se tient le jeudi 20 juin 2024 à Paris, en présence des chefs d'État de France, du Sénégal, du Ghana, du Rwanda et du Botswana. À l'heure actuelle, l'Afrique ne produit que 1% des vaccins qu'elle utilise. Les investisseurs qui veulent se lancer sont donc devant un marché immense. Mais comment les accompagner ? Marie-Ange Saraka-Yao est, au sein de l'alliance Gavi pour les vaccins, la directrice générale pour la mobilisation des ressources et la croissance ; elle explique la stratégie des cinq années à venir.

Un agent de santé administre un vaccin contre le paludisme à un bébé dans un hôpital de Soa, près de la capitale camerounaise de Yaoundé, le 22 janvier 2024.
Un agent de santé administre un vaccin contre le paludisme à un bébé dans un hôpital de Soa, près de la capitale camerounaise de Yaoundé, le 22 janvier 2024. © Étienne Nsom / AFP
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RFI : Quelle est la stratégie pour les cinq ans à venir que vous allez dévoiler ce jeudi au Forum ?

Marie-Ange Saraka-Yao : Alors, cette stratégie consiste principalement à montrer comment on peut accélérer l'accès aux vaccins sur les cinq prochaines années. Et elle se résume ainsi : vacciner plus d'enfants le plus rapidement possible. Gavi, l'Alliance du vaccin pour laquelle je travaille, au cours des 20 premières années de son existence a aidé à immuniser un milliard d'enfants et protéger 17 millions de vies… Et là en fait, il s'agit vraiment d'accélérer la mise à disposition de nouveaux vaccins, en particulier le vaccin contre le paludisme.

Donc vous voulez vacciner deux fois plus d'enfants par an dans les cinq ans qui viennent, c’est ça ?

Oui, et avec plus de vaccins en leur donnant toutes les couvertures possibles. Par exemple, laissez-moi vous parler du vaccin contre le cancer de l'utérus. Le cancer de l'utérus est en fait en ce moment la principale cause de mortalité des jeunes femmes en Afrique. Et on a ce vaccin incroyable qui permet d'éliminer 90% des cas.

Pendant la pandémie du Covid-19, il y avait beaucoup de vaccins au nord et très peu de vaccinés au sud. Quelle leçon vous en avez tiré pour les années à venir ?

Alors cette stratégie justement met en place un instrument financier qui s'appelle l'accélérateur de production africaine de vaccins, pour justement toucher ce problème de la distribution mieux répartie des vaccins dans le monde. Et cet instrument financier va permettre d'encourager la production locale de vaccins et surtout les vaccins dont on a le plus besoin. Par exemple, sur le continent africain, j'ai parlé du paludisme mais il y a aussi le choléra où, en ce moment, il y a beaucoup d'épidémies, la fièvre jaune, Ebola par exemple. Et donc dans le cas de cette stratégie, cet accélérateur africain de production de vaccins va encourager la production locale. Et on espère aujourd'hui avoir plusieurs annonces.

Oui, parce que ce jeudi sont à Paris le président du Sénégal, le président du Ghana, le président du Rwanda, celui du Botswana. J'imagine que ces pays vont annoncer quelque chose ?

Ces pays, en fait, viennent pour justement sceller ce partenariat, donc très prometteur, qui va vraiment permettre une nouvelle façon de collaborer, si je puis dire, en permettant d'avoir une meilleure distribution de vaccins. Eux-mêmes, évidemment, sont très preneurs de ces vaccins dans leur propre pays et cela va montrer aussi l'importance des questions de santé mondiale.

L'enjeu pour ces pays africains, c'est de monter une industrie du vaccin dans leur propre pays, c'est ça ?

C'est monter une industrie pour la région très rapidement. C'est un continent qui croit et qui a besoin de différents types de vaccins.

Un continent qui produit très peu de vaccins aujourd'hui…

Exactement, mais il y a cette opportunité…

Quel pourcentage ?

1%.

99% des vaccins utilisés en Afrique ne viennent pas d'Afrique ?

Pas d'Afrique en ce moment, ils viennent du monde entier. Mais ce qui est important, c'est qu'il y a une couverture vaccinale quand même qui justement, grâce à tous nos efforts, j'ai parlé d’un milliard d'enfants vaccinés, qui monte. Maintenant, c'est vraiment avoir ce meilleur équilibre et des vaccins aussi qui répondent plus particulièrement aux priorités régionales. Alors l'accélérateur africain de production de vaccins va permettre de répondre à l'appel de l'Union africaine qui copréside le forum, pour produire 800 millions de doses de vaccin. Et les vaccins donc les plus en demande sur le continent.

Un milliard de dollars, promettent les bailleurs de fonds aujourd'hui. Un milliard pour quoi ?

Alors un milliard, c'est pour capitaliser cet instrument financier, l'accélérateur africain pour la production de vaccins, puisque c'est un instrument qui va encourager les producteurs locaux et le producteur local pourra avoir accès à une aide lorsqu'il atteint un certain niveau d'efficacité et lorsqu'il gagne les appels d’offres.

Il y a des élections importantes en France dans quelques jours et aux États-Unis dans 4 mois, est-ce que vous ne craignez pas que les futurs gouvernants ne tiennent pas les promesses qui vont être faites aujourd'hui ?

Nous avons eu l'occasion de travailler avec différentes administrations bipartisanes, que ce soit aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, pour ne citer que quelques-uns, et cette question de santé mondiale est toujours restée fondamentale.

Il n'y a pas eu de différence entre Barack Obama et Donald Trump ?

Toutes ces administrations ont vraiment gardé ces préoccupations au cœur de leur politique.

Il n'y a pas eu un manque à gagner entre 2016 et 2020 ?

[Rires] En fait, vraiment, il y a eu un effort de solidarité incroyable. Nous avons continué à avoir un accroissement de nos ressources sous toutes les différentes administrations.

Américaines…

Dans le monde entier, et en particulier aux États-Unis.

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