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Tchad: «Aucune des personnes transférées à Koro Toro n’est morte durant le trajet»

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Au Tchad, les autorités démentent catégoriquement le rapport de Human Rights Watch, qui affirme qu'au moins 11 Tchadiens sont morts de soif lors de leur transfert de Ndjamena à la prison de Koro Toro, juste après les manifestations du 20 octobre 2022. Avant-hier, vous avez pu entendre Lewis Mudge, de l'ONG Human Rights Watch. Voici ce matin la réponse du Tchad, par la voix d'Abderaman Koulamallah, qui est ministre d'État, ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement. Au micro de Christophe Boisbouvier, il annonce une contre-enquête et n'exclut pas de poursuivre l'ONG en justice.

Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement tchadien, le 21 mars 2008.
Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement tchadien, le 21 mars 2008. AFP - FRANCK FIFE
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RFI : Selon un rapport de Human Rights Watch publié ce mardi 6 août, plusieurs Tchadiens sont morts après les manifestations du 20 octobre 2022 pendant leur transfert à Koro Toro ou juste après leur arrivée dans cette prison. L'ONG a publié l'identité de 11 de ces prisonniers qui seraient morts de soif et d'épuisement. Quelle est votre réaction ?

Abderaman Koulamallah : Tout d'abord, je suis un peu étonné de ces allégations qui sont pour nous complètement mensongères. Les personnes qui ont été arrêtées ont bénéficié de tous leurs droits. Elles ont été transférées dans des conditions humaines acceptables et aucune des personnes transférées n'est morte durant le trajet. C'est complètement faux, cette affirmation de Human Rights Watch. D'autre part, je tiens à vous dire, parce que moi, j'ai écouté les propos complètement désaxés de Human Rights Watch quand ils disent que les gens ont bu leur urine, on les a privés d'eau, c'est complètement abracadabrant. D'abord, quand on traverse des zones désertiques comme ça, il est impossible, si on n'a pas de l'eau, d'avoir de l'urine, ça, ça commence par un mensonge. Deuxièmement, nous, pendant les événements les plus douloureux, quand les groupes armés ont attaqué notre territoire, les prisonniers, on leur a donné de l'eau, on les a nourris et des images vidéo circulent. Notre armée ne fait pas ce genre de pratiques. Notre armée ne pourra jamais faire cela, ni nos convictions religieuses, ni nos convictions politiques. Donc ça, ce sont des affirmations gratuites. Le responsable de Human Rights Watch a été reçu par le ministre de la Justice qui l'a vertement sermonné parce qu'il n'a aucune preuve. Il dit que c'est un infirmier qui lui a donné cette information. Quel infirmier ? Dans quel contexte il a fait cette interview ? C'est complètement faux.

Alors sur les hommes qui seraient morts de soif, le rapport de Human Rights Watch se fonde sur une enquête auprès de quelque 72 anciens prisonniers qui ont été détenus à la prison de Koro Toro et qui ont été libérés à la fin de l'année dernière. Est-ce que ces témoins peuvent avoir tous menti ?

Quand on mène une enquête aussi importante, on prend la précaution que ces enquêtes soient faites dans des conditions transparentes. Dire qu'on a vu 72 anciens prisonniers, qu'est-ce qui prouve que ces gens étaient des prisonniers et dans quel contexte on les a interrogés ? Non, monsieur Boisbouvier, les propos tenus sont complètement diffamatoires et inadmissibles pour notre gouvernement. Nous n'avons jamais commis ces actes et les transferts des personnes, aucun prisonnier n’est mort sur la route. Le ministre de la Justice l'a clairement répété aux responsables de cette organisation qui s'acharne sur le Tchad et l'Afrique. Nous ne pouvons pas tolérer cela. Nous allons d'ailleurs nous-mêmes mener notre enquête et amener des témoins qui vont ne pas corroborer ces allégations complètement mensongères.

Quant aux mineurs, on parle d'une jeune fille mineure. D'abord, il y a une seule femme qui a été arrêtée à Koro Toro, et qui a été rapatriée à la prison de Klessoum parce que nous ne pouvions pas assurer sa sécurité, étant la seule femme dans cette prison de Koro Toro, elle a été ramenée. Preuve, s'il en faut encore, que nous tenons à l'intégrité physique de nos prisonniers.

Mais ces 11 Tchadiens, dont Human Rights Watch publie l'état civil et la photo, ils sont bien morts…

Ces 11 personnes sont-elles mortes durant leur transfert ou pendant les manifestations ? Il y a eu des morts durant le 20 octobre, on ne le nie pas, mais on réfute la thèse selon laquelle elles ont été transportées et le rapport de Human Rights Watch, c'est quelque chose qui a été fait par des personnes qui ont un parti pris. Ils sont une organisation humanitaire et ils ont un parti pris. Ils ont été reçus par le ministre de la Sécurité, le ministre de la Justice et ils n'ont pas pu répondre des preuves qu’ils ont avancées. Ce sont des élucubrations d'une organisation qui a vraiment perdu toute crédibilité à nos yeux.

Si ces 11 personnes sont mortes à Ndjamena, pourquoi les familles n'ont-elles pas pu récupérer leurs dépouilles mortelles ?

Qui vous a dit que les familles n'ont pas pu récupérer leurs dépouilles ? Est-ce que vous avez des preuves de ça ? Que les familles de ces personnes s'expriment en disant qu'elles n'ont pas recueilli le corps de leurs parents.

Et sur les conditions du transfert de ces prisonniers à Koro Toro, est-ce qu'une enquête est envisageable ?

Tout est envisageable. Quand on parle de la vie humaine, aucune enquête ne peut être omise. Ces personnes ont produit un rapport. Nous allons non seulement répondre à cette enquête, mais nous nous réservons le droit de les poursuivre pour distillation de fausses informations et de calomnies contre le gouvernement.

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