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«Le Maroc peut dessiner un nouveau partenariat stratégique avec la France», analyse Mohammed Benhammou

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Et si la visite au Maroc du président français Emmanuel Macron, lundi 28 octobre, permettait à Paris et à Rabat  de bâtir un nouveau partenariat stratégique, notamment sur la question du Sahel ? C’est le souhait de Mohammed Benhammou, enseignant à l’Université Mohammed V de Rabat et président du Centre marocain des études stratégiques. Le 30 juillet, Emmanuel Macron a écrit à Mohammed VI qu’aux yeux de la France, « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivaient dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Cette lettre a-t-elle été un déclic ? En ligne de Rabat, Mohammed Benhammou répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

La France s'interroge.
La France s'interroge. © (AP/JPP)
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RFI : Cette visite intervient trois mois après la lettre du président français reconnaissant la marocanité du Sahara, est-ce à dire que c'est cette lettre du 30 juillet qui a rendu possible cette visite de ce lundi ?

Mohammed Benhammou : Bon, je pense que cette lettre a enterré une phase de crise sourde entre les deux pays. On le sait tous, il y a eu trois années durant lesquelles donc les conditions n'étaient pas du tout favorables. Mais, je pense qu'effectivement donc, c'est un acte qui a permis de passer à une phase nouvelle des relations entre les deux pays.

Alors longtemps, Emmanuel Macron a hésité à écrire cette lettre pour ne pas froisser l'Algérie, cette politique d'équilibre de la France entre le Maroc et l'Algérie, est-ce que vous la comprenez ou est-ce que vous pensez qu'elle est illusoire ?

Je pense qu'elle n'avait pas lieu d'être à mon sens. La relation entre le Maroc et la France est une relation historique, et la France quelque part est détentrice d'une mémoire de cette région. Donc elle connaît très bien la réalité de ce conflit régional imposé au Maroc par l'Algérie. Il est clair que la politique de chantage et de prise d'otages, que cherchait à imposer l'Algérie à la France sur cette question, n'a pas eu les résultats escomptés et voilà !

Mais est-ce qu'il n'y a pas eu aussi une politique de chantage de la part du Maroc à l'égard de la France sur cette affaire du Sahara ces dernières années ?

Pas du tout. Je pense que c'est juste un appel à la clarification des positions. Le Maroc ne souhaite plus et ne veut plus d'ailleurs que, dans ses relations avec ses partenaires, il y ait des zones grises et des positions grises. On ne peut construire des relations pérennes, stables, fortes et avec des partenaires stratégiques, que si les intérêts des deux parties sont préservés.

Alors, avant la France, trois autres pays ont reconnu récemment la marocanité du Sahara. Ce sont l'Allemagne, l'Espagne et surtout les États-Unis. C'était en décembre 2020. En échange, votre pays a établi des relations diplomatiques avec Israël dans le cadre des accords d'Abraham. Mais aujourd'hui qu’Israël frappe très durement ses voisins, notamment Gaza et le Liban, est ce que le Maroc, dans sa politique pro israélienne, n'est pas en train de s’isoler sur la scène internationale et notamment dans le monde arabe ?

S'agissant de la politique israélienne, que ce soit donc à Gaza ou sur la question palestinienne en général ou au Liban, je pense que le Maroc a eu une position très claire et très ferme. C'est une position de rejet de cette machine militaire qui écrasé la région. Et le Maroc a une position très claire, qui est celle de la nécessité de la reconnaissance par Israël d'un État palestinien indépendant et souverain. Avec Jérusalem-Est comme capitale. Donc, je ne pense pas qu'on peut trouver une quelconque ambiguïté dans la position du Maroc dans ce sens. Donc, le Maroc ne s'isole pas et je regrette cette impuissance internationale, pour stopper ce qui se passe. Néanmoins, on est dans une perspective sur le long terme. On raisonne en termes d'actions d'hommes d'État et non en termes d'actions d'hommes politiques.

On connaît les très mauvaises relations actuellement entre la France et les 3 pays de l'Alliance des États du Sahel. Vu les bonnes relations du Maroc avec ces 3 pays, est-ce que les deux chefs d'État, le roi Mohamed VI et Emmanuel Macron, vont en parler pendant cette visite à Rabat ?

Je ne connais pas le contenu de ces discussions, mais je pense que c'est un dossier qui aujourd'hui concerne les deux pays et le Maroc a beaucoup à apporter à la France et à d'autres partenaires sur cette question. Je pense que la France aujourd'hui, dans un contexte géopolitique régional très bouleversé, la France a besoin de compter sur un partenaire stratégique, fiable et stable. Le Maroc aujourd’hui, je pense, peut rénover et redessiner avec la France, lors de cette visite, un nouveau partenariat stratégique qui va certainement donc répondre à beaucoup de problèmes. Que ce soit sur le plan régional ou sur le plan bilatéral, chacun peut apporter beaucoup à l'autre.

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