Le grand invité Afrique

Seyni Nafo: «Les chefs d’État africains sont beaucoup plus présents sur la question climatique»

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La COP29, la 29e conférence de l’ONU sur le changement climatique, démarre ce lundi matin à Bakou, en Azerbaïdjan. Le principal enjeu est de savoir si les États vont se mettre d’accord sur un nouveau montant d’aide aux pays en développement pour financer leur transition énergétique. Seyni Nafo est le porte-parole du groupe des négociateurs africains. Il préside aussi le Fonds vert pour le climat et coordonne l’Initiative d’adaptation de l’Union africaine. En ligne de Bakou, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

La COP29 s'ouvre ce lundi 11 novembre 2024 à Bakou en Azerbaïdjan.
La COP29 s'ouvre ce lundi 11 novembre 2024 à Bakou en Azerbaïdjan. © Rafiq Maqbool / АР
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RFI : Qu'est-ce que vous attendez de cette COP29 ?

Seyni Nafo : On attend un résultat ambitieux sur la nouvelle cible de financement qui doit remplacer la cible des 100 milliards. Pour les ministres et chefs d'État africains, les instructions qui nous ont été données, c'est d'avoir une cible qui est à peu près à 1300 milliards de dollars, ce qui serait en adéquation avec les besoins des pays en développement.

Ces dernières années, l'aide des pays riches en faveur des pays en développement pour leur adaptation climatique s'élevait à 100 milliards de dollars par an. Si vous visez 1300 milliards à partir de 2025, ça veut dire treize fois plus d'argent, c'est ça ?

En fait, nous sommes déjà entre 105 et 115 milliards pour 2025. Donc nous partirons en fait d'un plancher de 110 pour aller vers un plafond à 1300 à l'horizon 2035.

Avec une augmentation progressive tous les ans…

Exactement, tous les ans.

Alors, il y a un problème tout de même, c'est que Donald Trump va revenir au pouvoir. En 2017, il avait annoncé le retrait de son pays de l'accord de Paris de 2015 sur le climat et maintenant qu'il est réélu, est-ce que vous ne craignez pas qu'il recommence et qu'il retire son pays de tous ces accords ?

Oui, il est très probable que les États-Unis se retirent de l'Accord de Paris et peut-être même pire, qu'ils se retirent de la Convention même des Nations Unies sur le climat. Mais on se rappelle qu'en 2016, l'administration Trump avait créé une grande agence bilatérale de développement, la DFC Development Finance Corporation, qui avait eu à l'époque une augmentation de capital jusqu'à 60 milliards de dollars dans les pays en développement, notamment pour soutenir le secteur privé américain, mais pas que. Et donc ce qu'il va falloir faire, nous en discutons beaucoup au niveau du groupe, c'est de regarder également du côté du bilatéral, où il y a des opportunités.

L’Afrique aujourd'hui a un siège au G20, ce qui n'était pas le cas en 2016. Les chefs d'État africains sont beaucoup plus présents sur cette question climatique. L'année dernière, notamment, nous avons eu le premier sommet des chefs d'États africains sur le climat. Donc notre stratégie à nous est de travailler également sur un agenda bilatéral États-Unis-Afrique et nous pensons que l'Afrique a des cartes à jouer au-delà de la Convention climat.

Mais franchement, avec un climatosceptique à la Maison Blanche, est-ce que vous pensez vraiment que l'enveloppe des pays riches va augmenter jusqu'à 10 à 12 fois la somme actuelle d'ici 2035 ?

Vous savez, nous sommes dans une négociation. 1300 milliards est l'objectif final. C'est-à-dire que pour nous, sans fétichisme, beaucoup plus que le chiffre lui-même, le plus important serait d'atteindre un certain nombre d'objectifs, par exemple l'accès universel aux énergies modernes.

Les pays riches qui financent cette enveloppe affirment qu'ils ne représentent que 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Et ils demandent à présent que la Chine et les pays du Golfe soient mis, eux aussi, à contribution. Qu'est-ce que vous en pensez ?

En fait, c'est une stratégie de négociation des pays développés. La réalité est que la Chine, tout comme les pays du Golfe, contribuent à l'effort climatique. Vous pouvez regarder les financements octroyés par la Banque de développement de Chine, par la Banque export de Chine, par les fonds saoudiens pour le développement, par la Banque islamique pour le développement... La réalité est que les pays du sud contribuent et contribuent autant sinon plus que les pays développés.

Oui, mais si vous demandez 1300 milliards de dollars d'aide par an d'ici 2035, ça représente un gros effort pour tous les pays à qui vous vous adressez. Alors du coup, pourquoi la Chine serait-elle exemptée de faire cet effort ?

Nous sommes dans un système monétaire international, c'est-à-dire qu'on crée littéralement de la monnaie. La Réserve fédérale des États-Unis, la BCE, la Banque du Japon créent de la monnaie. On a injecté des sommes colossales qui se situent en dizaines de milliards de dollars sous le Covid, sans que ça pose aucun problème. Donc, pour nous, le problème n'est pas que la Chine contribue ou pas. Les pays développés ont les moyens de contribuer.

Même si aujourd'hui les pays développés ont de gros problèmes budgétaires devant eux ?

Nous pensons qu'il y a des instruments financiers qu'on peut mobiliser et qui auraient un impact nul sur les budgets, notamment les DTS, les droits de tirage spéciaux du FMI, qui est la monnaie du FMI. Cela a été fait pour le Covid. Nous pouvons mobiliser ce type de monnaie. Les banques centrales peuvent être mises à contribution en injectant des liquidités. Donc, il existe des instruments financiers. La question est une question de volonté politique.

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