Le grand invité Afrique

Les racines africaines du maire de New York selon l’ancien ministre sénégalais Abdoulaye Bathily

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Le nouveau maire de New-York, le démocrate anti-Trump Zohran Mamdani, n'est pas seulement de nationalité américaine. Il est aussi de nationalité ougandaise, car c'est à Kampala qu'il est né, il y a 34 ans. Et sa solidarité avec le peuple palestinien tient beaucoup à l'engagement de ses parents à la fois contre l'apartheid et pour la Palestine. Quel rôle ont joué son père et sa mère, Mahmood Mamdani et Mira Naïr, dans ses choix politiques d'aujourd'hui ? Abdoulaye Bathily est l'envoyé spécial du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye pour les affaires internationales. Il est ami avec la famille Mamdani depuis quarante ans. En ligne de Dakar, il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier.

Abdoulaye Bathily sur RFI et France 24, le 24 mars 2023.
Abdoulaye Bathily sur RFI et France 24, le 24 mars 2023. © RFI
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RFI : Vous êtes un vieil ami de Mahmood Mamdani, le père de Zohran Mamdani, qui vient d'être élu à New York. Vous l'avez rencontré où, Mahmood Mamdani ?

Abdoulaye Bathily : J'ai rencontré Mahmood Mamdani à Dar es Salam en 1979. Il était professeur au département de sciences politiques de l'Université de Dar es Salam, et il était à l'époque, comme beaucoup d'intellectuels ougandais, réfugié à Dar es Salam pour fuir la dictature de Idi Amin Dada qui, avec son slogan xénophobe, avait chassé tous les Asiatiques de l'Ouganda. Mais il avait aussi chassé tous les intellectuels, tous les opposants, militaires comme civils. Donc toute l'élite ougandaise s’est retrouvée à Dar es Salam. Il y avait également Yoweri Museveni, qui était étudiant là-bas, qui va par la suite former le Mouvement national de résistance contre la dictature de Idi Amin et qui va recruter des jeunes réfugiés rwandais comme Paul Kagame. Alors nous nous retrouvions souvent dans des espaces publics après les cours, après les conférences, pour discuter de l'avenir du continent, de la lutte contre l'apartheid, de la lutte contre le colonialisme.

Et vous étiez tous des freedom fighters, contre l'apartheid ?

Contre l'apartheid qui était soutenu à l'époque, il faut le rappeler, par Israël. Et on verra comment, en fait, le jeune Zohran, par la suite, suivra les traces de son père dans cette lutte pour le soutien à Gaza, le soutien à la Palestine.

Alors, après la chute de Idi Amin Dada en 1979, Mahmood Mamdani peut rentrer en Ouganda. Et quand Mahmood Mamdani et Mira Naïr se marient et quand nait leur enfant, Zohran en 1991, la petite famille est toujours en Ouganda. Et le deuxième prénom que choisissent les parents pour leur enfant, c'est le prénom Kwame. Est-ce que c'est tout un symbole ?

Mahmood Mamdani est un militant de la lutte pour l'indépendance de l'Afrique, ce qu'on appelle aujourd'hui un panafricaniste. Et pendant qu'il enseignait en Ouganda, il était régulièrement au Sénégal parce qu'il était membre actif du Conseil pour le développement de la recherche économique et sociale en Afrique, le Codesria. Il venait souvent à Dakar et d'ailleurs, en 2007, il est venu ici avec sa famille, avec le petit Zohran. Je me rappelle, ils sont venus ici à la maison. Et Zohran lui-même, il a vécu dans cette ambiance militante. Comme son prénom l'indique, puisque Kwame, c’est Kwame Nkrumah. Mais aussi Zohran a fait sa thèse sur Frantz Fanon et sur Jean-Jacques Rousseau.

Donc vraiment, c'est le fils de son père. Quand Zohran nait à Kampala en 1991, sa maman, Mira Naïr, est déjà une personnalité très connue puisqu'elle a sorti « Salaam Bombay ! », un film à succès qui sera primé partout. Est-ce que Mira Naïr est aussi une femme aux convictions politiques ?

Oui, elle a des convictions politiques affirmées. Je l'ai rencontrée plusieurs fois à Kampala, mais également à New York et ils sont venus ici à Dakar. Ils ont visité l'île de Gorée avec leur fils Zohran, et ils sont vraiment engagés à la fois pour les causes de l'Afrique, pour les causes de l'Asie, pour les causes de la Palestine et du monde progressiste en général.

En 2018, Zohran Mamdani a été naturalisé citoyen américain et pour autant, il n'a pas abandonné sa nationalité ougandaise. Comment interprétez-vous cela ?

Mahmood Mamdani, son père, est profondément attaché à l'Ouganda et à l'Afrique. Donc, cet attachement à l'Afrique, ce n'est pas quelque chose d'artificiel chez eux. Et puis leur foi musulmane également, c'est une donnée importante. C'est un couple de militants qui a donné naissance à un militant engagé pour les causes justes.

Et aujourd'hui, est-ce que Mahmood Mamdani continue d'entretenir des relations avec des hommes politiques africains en dehors de vous-même ?

Oui, Mahmood continue de parcourir le continent. Il est en contact avec tous nos amis d'il y a 50 ans. Donc c'est un internationaliste, Mahmood Mamdani. Et Zohran est né dans cette ambiance-là.

Et est-ce que Mahmood Mamdani est toujours en contact avec Yoweri Museveni ?

Oui je pense qu'ils sont en contact, mais peut-être leur chemin, en tout cas du point de vue des idées, ont divergé. Parce que malheureusement, nous avons vu que notre ancien camarade et ami Museveni aujourd'hui est au pouvoir depuis 1986, et ce n'est pas de notre goût.

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