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Dialogue national au Gabon: «Il faut que le pouvoir revienne au peuple»

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Au Gabon, mardi 2 avril, doit être lancé le dialogue national inclusif promis par les putschistes qui ont renversé le président Ali Bongo le 30 août. Pendant un mois, quelque 580 délégués vont élaborer notamment la nouvelle Constitution, en vue des élections de 2024. Le chef de la transition, le général Oligui Nguema, pourra-t-il être candidat à la future présidentielle ? Marc Ona Essangui est la principale figure de la société civile gabonaise. Il est aussi, depuis six mois, le troisième vice-président du Sénat. En ligne de Libreville, l’ancien activiste gabonais est l’invité de Christophe Boisbouvier.

Palais du Sénat du Gabon à Libreville.
Palais du Sénat du Gabon à Libreville. © CC/Wikimedia/Vincent Vaquin
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RFI : Qu’est-ce que vous attendez de ce dialogue national inclusif ?

Marc Ona Essangui : Il faut donner la force aux contre-pouvoirs. C’est surtout l’exécutif qu’il faut contrôler. Il ne faudrait pas que l’exécutif soit beaucoup plus fort que le législatif ou bien le judiciaire. Moi, en tant qu’activiste pro-démocratie par le passé, et même maintenant, ce n’est pas parce que je suis vice-président du Sénat que, cette étoffe, je l’ai enlevée… Il faut absolument que nous soyons dans une démocratie où le pouvoir revient au peuple, rien qu’au peuple.

Ce dialogue doit aussi fixer le calendrier électoral. Quels sont, à votre avis, les bons délais ?

Le calendrier initial fixé par les militaires, c’était deux ans. L’on devrait avoir des élections présidentielles en août 2025 et nous allons, une bonne fois, arrêter le délai de la transition.

Donc une présidentielle au mois d’août 2025, ça vous irait ?

Une présidentielle en août 2025, oui. Mais il n’appartient pas à moi de décider.

Selon la charte du mois de septembre dernier, aucun acteur de la transition n’aura le droit de se présenter à cette future élection présidentielle, sauf le numéro 1, le général Oligui Nguema. Est-ce que le dialogue à venir pourrait changer ces règles du jeu ?

Vous parlez de la charte. Et l’on n’ira pas aux élections avec la charte. On ira aux élections avec les textes issus de ces assises. Le consensus qui sortira de là, c’est le consensus que nous allons arrêter.

Donc cette différence de traitement entre le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, et les autres acteurs de cette transition, elle peut disparaître à l’occasion de ce dialogue national inclusif ?

Je crois que toutes ces questions seront traitées pendant les assises. Il n’appartient pas à moi de dire ce qui va disparaître et ce qui ne va pas disparaître. Si les participants aux assises décident, moi, je m’aligne.

Quand il a pris le pouvoir, le 30 août dernier, le général Oligui Nguema a promis qu’il rendrait le pouvoir aux civils au terme de la transition. Mais si, demain, le dialogue l’autorise à se présenter, est-ce que cette promesse ne risque pas de tomber à l’eau ?

Vous comprenez que c’est le dialogue qui l’autorise à se présenter, ce n’est pas lui-même qui décide de se présenter. C’est là où est la différence. Si, pendant les assises, il est décidé que le général Oligui Nguema sera présent à ces élections, cela n’engage plus le général Oligui Nguema. C’est le dialogue qui l’autorise à se présenter. Après, il y aura un référendum et, au cours de ce référendum, si les Gabonais disent non, ils vont dire non. Si les Gabonais disent oui, ils vont dire oui. Cela n’a plus rien à voir avec une décision personnelle du général Oligui Nguema.

Donc, si, à la fin de la transition, le général Oligui Nguema peut se présenter et s’il est élu, cela ne vous choquera pas ?

Si c’est le peuple gabonais qui décide que le général Oligui Nguema se présente, moi, ça ne me choque pas, c’est le choix du peuple. Moi, je suis foncièrement démocrate.

Ce dialogue national inclusif va mettre tous les sujets sur la table, mais il ne sera pas souverain, ses résolutions ne seront pas contraignantes et c’est le président de la transition, le général Oligui Nguema, qui formalisera ses conclusions sous forme de lois et décrets. Est-ce que cela ne réduit pas la portée des décisions à venir du dialogue ?

Je pense qu’il y a 580 représentants qui ont été nommés à ce poste, ils ne sont pas élus par la base. Par conséquent, on ne peut pas parler de souveraineté quand les individus qui sont envoyés sont nommés, qu’ils ne sont pas choisis par la base. Par contre, la souveraineté va intervenir au moment où toutes ces résolutions seront soumises à l’appréciation du peuple à travers le référendum.

Vous dîtes que les 580 participants à ce dialogue ont été nommés par les militaires du CTRI. Vous le regrettez ?

Je le regrette parce que j’aurais aimé, sincèrement, que la plupart des représentants soient issus des couches où les Gabonais vont les choisir.

Est-ce que vous regrettez, par exemple, l’absence annoncée de plusieurs ténors de la politique gabonaise comme le professeur Ondon Ossa, qui portait les couleurs d’Alternance 2023 face à Ali Bongo lors de la présidentielle du 26 août dernier ?

La différence entre Albert Ondon Ossa et les vieux loups de la politique gabonaise, c’est qu’Albert Ondon Ossa n’est pas politique. C’est un expert, c’est un intellectuel gabonais, c’est un universitaire. Je pense que sa contribution aux assises, pour débattre des questions qu’il maîtrise, aurait eu un impact considérable. Oui, je regrette sincèrement l’absence d’Albert Ondon Ossa.

Et que répondez-vous à ceux de vos compatriotes qui disent que, finalement, ce dialogue, dont les membres ont été nommés et dont les conclusions ne seront pas souveraines, il sera là pour tracer un boulevard pour le futur candidat Brice Clotaire Oligui Nguema à la présidentielle de l’année prochaine ?

Je préfère ne pas parler des individus, je parle du Gabon. Parlons des institutions, comme l’Assemblée nationale, le Sénat et bien d’autres… Et élaborons des contre-pouvoirs capables de résister aux individus. Le Sénégal a fait la démonstration qu’une institution peut sauver une nation. Nous avons vécu un rêve au Sénégal, on peut le faire en Afrique ! Faisons la même chose ! Je pense que nous réussirons.

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