États-Unis: «Il y a peut-être eu des problèmes de communication entre le Secret Service et les policiers de Pennsylvanie»
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Aux États-Unis s'ouvre aujourd'hui la convention républicaine de Milwaukee. Passé la vague d’indignation suite à la tentative d’assassinat de l’ex-président Donald Trump, candidat à l’élection présidentielle, le 13 juillet, lors d’un rassemblement électoral au Butler Farm Show en Pennsylvanie, on s’interroge sur l’effectivité d’un tel acte. Comment cela a-t-il pu se produire, comment le tireur a pu notamment déjouer le dispositif de sécurité ? Entretien avec Olivier Knox, correspondant d'US News and World Report en ligne depuis Washington.
RFI : Après le choc de la tentative d'assassinat de Donald Trump lors d'un meeting en plein air, on s'interroge notamment sur la question de savoir comment le tireur a pu déjouer le dispositif de sécurité. Peut-on parler d’une faille de la part du Secret Service ?
Olivier Knox : C'est la pire faille du Secret Service depuis la tentative d'assassinat contre Ronald Reagan en 1981, alors qu'il sortait d'un hôtel à Washington. C’est extrêmement grave. Les élus en public et en privé s'interrogent. Comment est-ce que Thomas Matthew Crooks a pu grimper sur un toit avec vue dégagée sur l'ancien président et a pu tirer plusieurs fois avant d'être avant d’être abattu par un tireur d'élite du Secret Service ? C'est hallucinant.
Comment se fait-il que l'alerte donnée par des participants au meeting n'ait pas été suivie d'effet ?
Il semblerait qu'un des membres de la police municipale ait grimpé sur le même toit que le tireur qui se serait retourné pour tirer sur le policier qui n’avait pas accès à son arme. Le policier est retombé et c’est à ce moment-là que Thomas Matthew Crooks s'est tourné pour tirer sur Trump.
Le Secret Service, ce sont les gardes du corps du président des États-Unis et aussi des grands candidats politiques. Mais ils travaillent en équipe avec les policiers locaux, que ce soit municipaux ou d'État. Est-ce qu'il y aurait eu des problèmes de communication entre le Secret Service et les policiers de Pennsylvanie qui assuraient une partie de la sécurité du Rassemblement de Donald Trump ?
Un rassemblement présidentiel de ce type met en jeu plusieurs services différents et la coordination entre tous ces services est évidemment essentielle. Selon Carol Leonnig, une journaliste du Washington Post qui connaît par cœur le Secret Service, il semblerait qu'un des problèmes aurait été que le Secret Service avait confié cette partie-là du terrain à des policiers locaux. Et ils n'avaient peut-être pas bien communiqué sur ce qu'il fallait faire si on voyait quelqu'un, par exemple sur un toit. C'est hallucinant ! Ça fait des années que je couvre des présidents, j'ai vu des centaines de rassemblements politiques. Je n’ai jamais vu ça, je n'ai jamais vu un tireur avec une vue dégagée sur l'ancien président.
Ces interrogations apparaissent alors que le Secret Service voit régulièrement ses moyens se réduire d'année en année.
Ça fait des années qu’au sein du Secret Service, les gens se plaignent du manque de fonds, de revenus, de ressources, alors que leurs responsabilités ne font que s'accroître. Il faut aussi se souvenir que ces gens-là protègent les présidents, les anciens présidents, la famille des anciens présidents, les dirigeants étrangers. On en est arrivé à un point où, il y a 4, 5 ans, les agents du Secret Service passaient prendre les gens qu’ils étaient censés protéger dans leur voiture personnelle parce que les voitures officielles n'étaient pas bien maintenues. C'est une situation de crise depuis des années.
Cette tentative d'assassinat s'inscrit dans une longue lignée de violences politiques aux États-Unis. Attaque, tentative d'attaque ou de complot... Le Congrès a même mesuré l'occurrence de ces événements : un président sur quatre en avait été la cible jusqu'en 2008.
Et tous les présidents depuis 2008, donc c'est un chiffre encore plus grand. Le bureau de recherche du Congrès recense des complots ou des tentatives en grand nombre. Et on voit en ce moment aux États-Unis de plus en plus de menaces de violence politique. Et ce n'est pas seulement les présidents et les candidats. Ce sont les membres du Congrès, la police du Congrès qui recense une forte hausse de menaces contre les membres du Congrès. On voit les juges qui sont chargés des affaires juridiques concernant Donald Trump, tous menacés. Il y a une forte montée des menaces de violences contre les politiques à tous les niveaux. Et c'est en partie pour ça que tout le pays est extrêmement nerveux.
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Dans quelle mesure l'arrivée de Trump en politique depuis la campagne de 2016 a contribué à ce climat de division extrême et de violence ?
Donald Trump a un langage de violence. On se souviendra qu'il a dit qu'il paierait volontiers les honoraires des avocats de ses supporteurs s'ils tabassaient des opposants à ces rassemblements. Il s'est moqué du mari de l'ancienne speaker de la chambre Nancy Pelosi, quand il s'est fait attaquer par un fou avec un marteau. On sait qu'il a parlé d'un bain de sang s'il perd au mois de novembre. À chaque fois qu'il se plaint des juges, qui sont chargés des affaires juridiques contre lui, ça lance un tsunami de menaces contre ces gens-là. Aux États-Unis, il y a peu d'hommes politiques qui parlent comme lui. Ça a vraiment contribué à l'atmosphère toxique qu’il y a en ce moment aux États-Unis.
Il est aussi celui par qui la violence politique est arrivée en janvier 2021, jusqu'au Congrès, lorsque ses partisans ont lancé l'assaut sur le Capitole. Le voilà aujourd'hui en victime de cette violence. On a vu comment, presque instantanément, il a su en tirer profit avec ce cliché et ce poing levé, le visage en sang. Peut-on mesurer le bénéfice politique de cet événement pour lui ?
On est au début de la convention républicaine à laquelle il sera sacré candidat du parti pour le mois de novembre. Il faudra voir comment ça joue dans la convention. Il faut aussi comprendre que la campagne de Donald Trump le montre en martyr. Il se prétend martyrisé par Biden, par les démocrates, par le système juridique. Il est à l'apogée du martyr parce qu’à un centimètre de plus à droite, il n’y aurait plus de Donald Trump.
Pour Joe Biden, c'est la tuile de plus dans une campagne déjà très compliquée. Cette tentative d'assassinat va encore lui compliquer la tâche.
Tout à fait, parce qu'un des grands arguments de Joe Biden, c'est que Donald Trump menace la démocratie américaine. Ces dernières 24 heures, les républicains ont dit : « Voilà le langage qui mène à la tentative d'assassinat. » Biden a fait plusieurs discours en disant qu’il faut calmer le jeu. Il faut résoudre cette question-là aux urnes, pas avec des fusils. Les républicains lui reprochent la rhétorique « Donald Trump veut être dictateur, il va en finir avec la république américaine ». Il faudra voir s'il décide de modifier son message politique. Là, il a déjà un peu modifié son calendrier. Ils ont arrêté de faire campagne pendant 24 h. Mais il est bien trop tôt pour vraiment cerner comment ça va changer la campagne.
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