[Exclusif] Antony Blinken: en Afrique, «on essaie d'être dans un partenariat où on écoute»
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Le secrétaire d’État américain Antony Blinken effectue sa quatrième visite de travail en Afrique, depuis le 22 janvier. Une tournée qui le mène au Cap-Vert, au Nigeria, en Angola et en Côte d’Ivoire. Cette visite devrait lui permettre de « mettre le paquet sur l’Afrique », selon ses mots. Dans un contexte où le continent africain diversifie ses partenariats, Washington tente de convaincre avec une démarche basée sur l’écoute. De passage à Abidjan, Antony Blinken donne son point de vue sur les interrogations du moment : insécurité au Sahel, démocratie et partenariats.

RFI : La Côte d'Ivoire a des frontières communes avec des pays totalement dépassés par l'insécurité. Je pense au Mali, au Burkina, qu'est-ce que les États-Unis proposent comme type d'aide pour soutenir la Côte d'Ivoire à repousser toutes ces menaces ?
Antony Blinken : Il y a tout un programme sécuritaire qui est construit à la base de ce que font déjà les Ivoiriens. Leur programme de sécurité au Nord, qui est basé sur la communauté où il y a maintenant une meilleure entente, une meilleure collaboration entre les forces de sécurité et les citoyens, est la base de tout système sécuritaire qui puisse vraiment fonctionner et répondre aux besoins de ceux qui sont premièrement en danger. Deuxièmement, nous avons un soutien à la fois d'équipement technique et d'information, qui aide les Ivoiriens à faire face aux menaces qui existent.
Est-ce que les États-Unis ont l'intention d'aller plus loin dans leur aide, en imaginant d'installer une base militaire dans le Nord, à Korhogo par exemple ?
Tout ça, c'est à voir. Pour l'instant, nous nous forçons sur les questions de l'aide concrète qui puisse faire une différence. J'ai pu annoncer lors de ce séjour une aide supplémentaire pour la Côte d'Ivoire, aide à la fois financière, mais aussi en équipement militaire nécessaire pour faire face aux extrémistes.
Vous avez annoncé aussi une aide supplémentaire de 45 millions de dollars pour les pays côtiers. À quoi cet argent servira-t-il concrètement ?
Ça va se traduire en équipements nécessaires, justement pour faire face aux dangers. Ça va se traduire en technologie. Ça doit se traduire aussi en coopération entre nos divers experts. Et je pense que ça peut faire une différence pour sécuriser les endroits qui sont en danger.
Au Sahel, vous étiez l'année dernière au Niger. Entre-temps, il y a eu un coup d'État. Les États-Unis sont toujours présents militairement dans le pays. Mais on sait que la junte a aussi d'autres idées, veut multiplier d'autres partenariats, d'autres offres. Quelle est pour vous, les États-Unis, la ligne rouge à ne pas dépasser ?
J'étais effectivement au Niger quelques semaines - enfin quelques mois en tous les cas - avant le coup d'État. J'étais avec le président [Mohamed] Bazoum, quelqu'un qui était un très bon leader pour le Niger et d'ailleurs, il faudrait qu’il soit libéré immédiatement et nous attendons la libération du président Bazoum. Ça, c'est une chose, c'est une exigence, c'est une nécessité pour que le Niger se remette sur la route de la démocratie, qu'il y ait une transition très claire et dans un délai court, pour un retour au système démocratique qui représente le peuple du Niger.
Si c'est le cas, nous pouvons agir de la sorte, c'est-à-dire toute la coopération que nous avons suspendue, vu l'action de l’État. Ça, on peut le remettre en jeu. Mais ça dépend entièrement de la démarche du CNSP [Comité national pour le salut du peuple - NDLR]. Est-ce qu'ils remettent le Niger sur la bonne route ? Si c'est le cas, je pense que la communauté internationale, y compris les États-Unis, vont pouvoir répondre derrière de façon positive. Si ce n'est pas le cas, évidemment, la relation entre nous et le Niger - et entre beaucoup d'autres pays que le Niger - sera dans un tout autre état.
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Concernant l'idée de réfléchir à d'autres partenaires - notamment à la Russie -, est-ce quelque chose que vous pouvez envisager, comme travailler sur le même terrain avec des partenaires qui n'ont pas la même vision que vous ?
Le problème qu'on a vu un peu à travers l'Afrique, dans des pays qui ont décidé de mettre leur sort entre les mains du groupe russe Wagner, par exemple, c'est que la violence, le terrorisme, l'abus des ressources est dans le sillage. On l'a vu à chaque reprise. Et au contraire d’avoir une meilleure sécurité pour les peuples en question, en fait, l'insécurité a été croissante dans chaque pays où, par exemple, le groupe Wagner agit ou agissait. Donc pour nous, ce n'est pas la réponse, tout au contraire. Donc, c'est justement ça notre coopération, nos programmes de sécurité, les investissements que nous faisons, c'est pour donner un autre choix. Et là aussi, je pense que les pays africains doivent, eux aussi, faire le maximum en se soutenant. La Cédéao a un rôle très important à jouer aussi.
Justement, la Cédéao fait face à une série de coups d'État depuis l'année dernière. Quelle est l'expertise, ou en tout cas, quel est le soutien que les États-Unis apportent à la Cédéao pour essayer de maintenir la démocratie dans la sous-région ?
C'est un soutien diplomatique. Ce qu'on essaie de faire, c'est premièrement s'assurer qu'il y a des réponses africaines aux problèmes de l'Afrique, mais soutenues par les États-Unis. On ne peut pas se substituer aux pays africains. Au contraire, on veut les soutenir et agir ensemble, parce qu’on n'est plus dans un schéma où on pose la question : « Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'Afrique ? ». C'est plutôt : « Qu'est-ce qu’on peut faire avec l’Afrique ? ». Donc on essaie d'avoir de vrais partenariats où on écoute, pour essayer de comprendre ce qui peut réussir dans le défi que nous avons devant nous.
La semaine dernière, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, était ici à Abidjan pour une visite africaine. Qu'est-ce que les États-Unis proposent de différent par rapport à la Chine à des pays comme la Côte d'Ivoire ?
Pour nous, ce n'est pas une question de dire aux amis ou autres : « il faut choisir ». Non, pour nous, le défi est de montrer que nous offrons un bon choix, et puis aux amis et autres de décider. Et par ailleurs, les besoins sont tels qu'il y a de la place pour tout le monde. Nous essayons de soutenir et d’apporter des investissements qui sont une course vers le haut. Avec les meilleures normes, pour qu'il n'y ait pas un poids de dette énorme qu'on ne peut pas défaire.
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