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Que révèle la mort du chef de Daech de la stratégie américaine?

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Le chef de l’organisation État islamique est mort jeudi 3 février dans le nord-ouest de la Syrie, au cours d’une opération héliportée menée par les forces spéciales américaines. Selon Washington, Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi se serait donné la mort pour éviter d’être capturé par ces soldats. Avec ce raid, les États-Unis indiquent-ils ou pas leur intention de revenir dans le dossier syrien ?

Le président américain Joe Biden après l'opération menée par les forces américaines dans le nord de la Syrie, le 3 février 2022.
Le président américain Joe Biden après l'opération menée par les forces américaines dans le nord de la Syrie, le 3 février 2022. REUTERS - SARAH SILBIGER
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Depuis qu’ont éclaté les révoltes contre Bachar el-Assad en 2011, les Américains ont oscillé entre plusieurs stratégies, sans jamais vraiment choisir. Il y a eu d’abord le soutien à des organisations rebelles non islamistes ou modérées – le but était de financer tous ceux qui pouvaient mettre à bas le régime de Damas – à l’exception des islamistes jihadistes.

Le problème, c’est qu’au fil des ans, ce sont ces derniers qui ont pris de l’importance. Les financements américains se sont donc taris. Washington a alors voulu frapper le régime syrien directement par voie aérienne, mais a finalement reculé, comme Barack Obama en 2014 – au grand dam, d’ailleurs, de la France qui était engagée dans l’aventure.

Les Américains ont changé de priorité

Peu à peu, la priorité a été non plus de renverser Bachar – qui du coup, aidé par les Russes et les Iraniens, a repris le contrôle d’une grande partie de son territoire –, mais de lutter contre les groupes jihadistes, notamment le groupe État islamique qui avait établi son califat à cheval sur la Syrie et l’Irak.

Il y avait aussi la volonté de poursuivre le soutien militaire aux combattants kurdes dans le nord-est de la Syrie. Un soutien sur le terrain, qui paraissait une constante de la politique américaine jusqu’à ce que Donald Trump décide finalement de retirer les 2 000 soldats américains basés dans la zone en 2019.

Que veut Joe Biden exactement ?

Sa doctrine géostratégique est un mixte de celle de Donald Trump – America First – et de Barak Obama – la lutte contre le terrorisme ne doit plus être territorialisée. D’où sa décision de retirer le contingent américain d’Afghanistan l’été dernier. Un retrait qui a été un véritable fiasco d’un point de vue opérationnel. Mais qui s’inscrit dans cette nouvelle logique américaine : plus de boys déployés pendant des années dans un pays. C’est inefficace et ça coûte très cher.

C'est pourquoi cette opération contre al-Qourachi s’inscrit dans le droit fil de celles menées contre Oussama ben Laden en 2011 et al-Bagdadi fin 2019. À chaque fois, il s’agit de cibler les chefs de groupes jihadistes pour déstabiliser les organisations.

Mais pour combien de temps ?

Dans le cas de l’EI, on sait très bien qu’à chaque fois, un nouveau chef est désigné rapidement. La tête est touchée provisoirement, mais pas le groupe ni ses capacités opérationnelles.

Quant à ce retour d’une action américaine en Syrie, il ne signifie aucunement que les États-Unis ont décidé de se réengager dans le bourbier syrien. Les Kurdes, lâchés par Trump, ne s’y trompent pas d’ailleurs. Ils savent qu’ils devront continuer seuls le combat contre les combattants de l’organisation État islamique. Des combattants qui, deux ans après la défaite territoriale de Daech, seraient désormais, selon les spécialistes, environ 10 000 répartis entre le Nord-Est syrien et l’Ouest irakien.

En fait, entre actions ciblées et présence durable dans un pays menacé par une organisation islamiste, les Américains ont une nouvelle fois du mal à choisir la stratégie la plus efficace. Ou la moins inefficace.

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