Présidentielle française: l’intégrité de l’élection ciblée par les infox
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À trois semaines de l'élection présidentielle française, une opération de désinformation tente d'entacher la légitimité du scrutin. Profitant d’un contexte de campagne perturbé par la guerre en Ukraine, des infox dénoncent par avance une élection truquée sur le modèle de ce qu’il s’est passé aux États-Unis en 2020.

Au cœur de la campagne de désinformation, on retrouve la société canadienne Dominion Voting Systems, que les partisans de Donald Trump avaient accusée, à tort, d’avoir trafiqué les résultats au profit de Joe Biden.
D’après les échanges sur les réseaux sociaux, le même schéma se profilerait en France pour la présidentielle des 10 et 24 avril 2022. Les résultats du scrutin seraient truqués via l’utilisation du logiciel informatique de Dominion, soi-disant intégré dans les machines à voter, ou dans les ordinateurs qui collectent les votes. Certains affirment que le décompte des voix en France serait confié à cette société, « sans appel d’offre ». Selon ce narratif, c’est ainsi que le président sortant Emmanuel Macron parviendrait à s’assurer de la reconduction de son mandat.
Pourtant, tout est faux. Cette théorie ne repose sur aucun élément factuel. Aucun contrat n’a été signé entre Dominion et l’État français. La société nous l’a confirmé par écrit : « Dominion n’opère pas en France ». « Le ministère de l’Intérieur ne fait pas et n’a jamais fait appel aux services de la société Dominion dans le cadre de l’organisation des élections », a précisé de son côté au Monde le ministère de l’Intérieur.
En France, la centralisation des résultats passe par un système informatique développé en interne par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Le logiciel ne dépend donc pas de Dominion, ni d’aucun autre prestataire.
Quant à Dominion aux États-Unis, il faut rappeler que les allégations de fraude se sont révélées fausses. Il ne fait plus de doute aujourd’hui que les fausses informations publiées en novembre 2020 aux États-Unis émanent d’un rapport fabriqué par l’équipe du président sortant Donald Trump à la suite de son échec électoral.
Dans une enquête publiée le 17 mars, le quotidien britannique The Guardian révèle les véritables auteurs du rapport et leur objectif : justifier le maintien au pouvoir de Donald Trump en prétextant des liens entre Dominion et une société d’État vénézuélienne. Cette ingérence étrangère aurait permis à l’équipe sortante d’invalider les résultats de l’élection. Un scénario inventé de toutes pièces. Par ailleurs, aucun des recours en justice pour fraude massive n’ont abouti.
Utilisation de fausses citations
Bien que toutes les allégations contre Dominion aux États-Unis aient été repoussées, les milieux complotistes français s’activent depuis plusieurs mois à recycler cette théorie dans le contexte français.
En début de semaine, le #Dominion s’est retrouvé en tendance sur Twitter, grâce notamment à une série de citations évoquant un scrutin manipulé par toutes sortes de fraudes. Des propos mis dans la bouche de personnalités aussi diverses que les présidents de Malte, du Mexique, du Brésil, du Honduras, des membres du gouvernement russe, un premier ministre norvégien, ou encore d'un économiste haïtien. Or, vérification faite, aucune de ces personnalités n’ont prononcé de telles paroles visant le processus électoral en France.

Selon les scénarios, c’est le système permettant de compiler les résultats qui est visé, ou encore le vote électronique, et ce, bien qu’en France, les machines à voter ne concernent que 63 communes, soit à peine 1,3 million d’électeurs. L’infox sur le trucage et la prétendue généralisation du vote électronique a été lancée fin novembre 2021 par des politiciens d’extrême droite.
Extrémistes et complotistes à la manœuvre
À l’origine de la propagation de ces fausses citations, on trouve en majorité des comptes de la sphère complotiste et des soutiens de candidats d’extrême droite et, dans une moindre mesure, d’extrême gauche. Des tendances mises en évidence par le Politoscope, un outil développé par David Chavalarias du CNRS Institut des systèmes complexes, pour mesurer comment les réseaux nous manipulent. Certains soutiens du parti Reconquête d’Éric Zemmour véhiculent l’infox, avec par exemple une vidéo publiée sur Facebook et Twitter dénonçant un pseudo complot pour la réélection d’Emmanuel Macron.
Parmi les adeptes de cette théorie, certains relayent des initiatives pour assurer un « contrôle citoyen des résultats », avec à la clef une incitation à l'insurrection, qui n’est pas sans rappeler la méthode employée par les partisans de Donald Trump aux États-Unis en amont du 6 janvier 2020.
Vers une contestation des résultats
Pour l’instant, la diffusion de cette théorie reste circonscrite à des sphères politiques et informationnelles bien identifiées. Mais rien ne dit que ces infox ne vont pas s’intensifier à l’approche du scrutin. Ce narratif vise surtout à semer les graines d’une contestation des résultats. Cela s’inscrit dans une dynamique plus large de remise en cause de la démocratie et de son fonctionnement.

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