Les dessous de l'infox, la chronique

Égypte - États-Unis: la désinformation s’immisce dans les tensions diplomatiques sur Gaza

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En Égypte, la tension monte avec les États-Unis au sujet de l’avenir de la Bande de Gaza. Le Caire refuse catégoriquement le plan de Donald Trump qui souhaite déplacer les Gazaouis en Jordanie et en Égypte. En conséquence, le président américain menace d’arrêter les aides versées aux deux pays. Sur les réseaux sociaux, certains diffusent des infox pour semer la confusion et alimenter ces tensions.

Les infox ciblant les relations entre l'Égypte et les États-Unis se multiplient sur les réseaux sociaux ces derniers jours.
Les infox ciblant les relations entre l'Égypte et les États-Unis se multiplient sur les réseaux sociaux ces derniers jours. © Captures d'écran/ Montage RFI
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Ces derniers jours, une vidéo montrant le président tunisien au côté de son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, est devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans ce qui ressemble à une conférence de presse, Kaïs Saïed s’exprime durant vingt-secondes derrière son pupitre, dans un luxueux palace. On croit alors l’entendre dire, en arabe, « Je suis venu en Égypte pour soutenir mon frère, le président Abdel Aziz al-Sisi, et je dis à Trump : n'essayez pas de jouer avec le président Abdel Aziz ». Un bandeau textuel apposé sur ces images, semblable à ceux utilisés par les chaînes d’information en continu, affirme que « le président tunisien soutient Sissi et menace Trump ». En réalité, le président tunisien n’a jamais tenu de tels propos. Cette déclaration a été inventée de toutes pièces grâce à l’intelligence artificielle.

Attention, cette vidéo est mensongère. C'est un deepfake.

Les ressorts de la manipulation

Une rapide analyse visuelle montre que le mouvement de ses lèvres ne correspond pas avec les mots qu’il prononce. Les détecteurs d’intelligence artificielle que nous avons utilisés confirment également qu’il s’agit d’un deepfake, un hypertrucage synthétique.

Deepware est un outil gratuit permettant de détecter les deepfakes. Comme tous les outils de détection d'IA, Deepware n'est pas infaillible.
Deepware est un outil gratuit permettant de détecter les deepfakes. Comme tous les outils de détection d'IA, Deepware n'est pas infaillible. © Capture d'écran/ Deepware.ai/ Montage RFI

Grâce à une recherche par image inversée (voir ici comment faire), on sait que la vidéo originale qui a été manipulée date du 10 avril 2021. C’était la première visite officielle du président tunisien en Égypte. Les deux chefs d’État avaient discuté de leur coopération économique, culturelle et sécuritaire, mais à aucun moment Kaïs Saïed n’évoque la Bande de Gaza ni ne menace Donald Trump.

Si on ne sait pas qui est à l’origine de cette manipulation, ce deepfake est poussé par différents comptes très populaires dans le monde arabe. Certains cumulent plus de 690 000 abonnés. Résultat, l’infox a rapidement dépassé le million de vues, rien que sur X (ex-Twitter).

L'infox cumule plus d'1,5 million de vues rien que sur X.
L'infox cumule plus d'1,5 million de vues rien que sur X. © Captures d'écran X/ Montage RFI

Kim Jong-un ciblé par les infox

Le président tunisien n’est pas le seul dirigeant ciblé par les fausses informations. Une rumeur populaire prétend que Kim Jong-un aurait apporté son soutien à l’Égypte face aux pressions de Washington. Cette infox repose sur une vidéo dans laquelle un journaliste semble affirmer, en arabe, que « si l'Égypte est attaquée, cette attaque sera considérée comme une déclaration de guerre à la Corée du Nord ».

L'infox se répand actuellement sur Facebook, X et TikTok.
L'infox se répand actuellement sur Facebook, X et TikTok. © Capture d'écran Facebook/ Montage RFI

Vérification faite, cette déclaration est sortie de son contexte. Cet extrait d’une vingtaine de secondes est bien réel, mais il est trompeur. En faisant une recherche par mots-clés, on retrouve la vidéo dans son intégralité sur YouTube. Il s’agit d’une chronique de fact-checking publiée par la chaîne de télé Al Araby, le 18 janvier 2020. Durant près de trois minutes, le journaliste présente et vérifie cette fausse information : quelqu’un a simplement isolé le moment où il lisait la déclaration qu’il allait démentir, pour faire croire, à tort, que c’était vrai.

Cette manipulation est un classique de la désinformation, mais reste malheureusement toujours aussi efficace.

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