Lyonel Trouillot, poésie pour les invisibles et les révoltés en Haïti
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Poète et intellectuel engagé, Lyonel Trouillot, né en 1956 en Haïti où il vit toujours aujourd'hui, est l'auteur de nombreux romans tous distingués par la critique. Journaliste et professeur de littératures française et créole, il a fondé et anime à Port-au-Prince le collectif d'écriture Atelier Jeudi Soir. Il vient de publier deux recueils de poésie « Moi/Mwen » (édition bilingue français-créole haïtien) et « Malséance » préfacé par Laurent Gaudé, aux éditions Atlantiques Déchaînés.


"Ce petit livre entreprend de faire entendre deux voix qui ne se ressemblent ni dans leur silence ni dans leurs mots. Qui ne sont pas animées du même souffle.
Deux voix venues de loin. Venues d’endroits du monde où l’on n’apprend pas aux gens à dire « moi ».
« Moi, Marc Aurèle ». Ceux qui ne disposent d’aucun moyen de faire la paix avec un ailleurs qui serait en mesure de rendre leur présent supportable, de leur servir de source intérieure, pour leur permettre d’avancer.
« Moi, Lakataw ». Ceux qui ont amassé tant de blessures que le seul bien qui leur reste est un orage qui gronde en eux, une rage prête à dévorer tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin.
Avec, peut-être, pour les deux, une petite place pour l’amour.
Ti liv sa a eseye fè tande de vwa ki pa sanble ni nan silans yo ni nan pawòl yo. Ki pa respire menm souf. De vwa ki soti Iwen. Ki soti kote nan monn lan yo pa aprann moun yo di « mwen ».
« Mwen, Makorèl ». Sa ki pa gen mwayen fè lapè ak on aye ki ta ka rann jodi a sipòtab, sèvi yo yon sous k ap mache anndan yo, pou pèmet yo vanse.
« Mwen, Lakataw ». Sa ki si tèlman ranmase mak blese, sèl byen ki rete yo son loraj k ap gronde anndan yo, on raj ki sou kous li, pa vini w ki pou sove w.
Ak, petèt, kay tou le de, yon ti plas pou lanmou." (Présentation des éditions Atlantiques Déchaînés)

"Prenant élan sur un poème écrit à vingt ans et lu par Hervé Denis le 1er août 1980 dans un spectacle par la suite interdit par la dictature de Jean-Claude Duvalier, Malséance oppose la violence verbale à la violence de l'histoire et du réel : pauvreté, racisme, héritages coloniaux, migration forcée, postures, impostures... mille formes de domination et de travestissements dans ce que le poète René Philoctète appelait « le procès des hommes contre l'homme ». Complicité, évidente ou discrète avec de nombreux poètes dans la fonte d'un je/nous : voix singulière et sujet collectif, la poésie devant être faite par tous.
Passé, présent, colère, révolte, adhésion et rejet, voyages et transbordements, repères et pertes de repères, implacablement hostile à l'ordre, aux ordres, critique de la permanence et des actualités des malheurs du monde, Malséance est un soupçon de ce que la poésie ou peut-être l'intention poétique se doit d'être envers tous les pouvoirs : l'abolition des frontières et la plus résolue des impolitesses."
(Présentation des éditions Atlantiques Déchaînés)
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