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Campagne de vaccination: le gouvernement a-t-il peur des juges ?

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Pour expliquer les ratés du début de la campagne de vaccination en France, on a évoqué le manque d’anticipation du gouvernement, les carences de l’administration ou encore les problèmes de logistique. Mais pourrait-il y avoir une autre raison : la peur des juges ?

(Photo d'illustration).
(Photo d'illustration). © REUTERS/Juan Medina
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C’est une crainte très présente chez les dirigeants : la possibilité qu’ils soient mis en cause par la justice pour leur gestion, leur action ou leur inaction. Il y a 3 mois un épisode a traumatisé le gouvernement : quand Olivier Véran a été réveillé au petit matin par des policiers.  En pleine gestion de l’épidémie, le ministre de la Santé en exercice a été perquisitionné à son domicile, tout comme sa prédécesseur Agnès Buzyn, ou encore de l’ancien premier ministre Édouard Philippe. L’exécutif avait-t-il mal anticipé l’arrivée de l’épidémie alors qu’il était au courant de sa possible dangerosité ? Y-a-t-il eu défaillances, négligences ? C’est ce que cherche à savoir la justice. C’est un épisode de plus dans ce qu’on appelle la judiciarisation de la vie politique : l’immixtion des juges dans les affaires de l’exécutif.

Excès de prudence

Cette peur d’être poursuivi peut-elle expliquer la lenteur de la campagne de vaccination ? Au sein de l’exécutif on s’en défend mais c’est malgré tout ce que pensent certains comme par exemple le sénateur de droite Gérard Longuet, membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Pour lui, le gouvernement a cédé à une forme de « peur judiciaire ». Pourquoi ? Parce que comme la campagne a démarré dans les maisons de retraites, il a fallu obtenir le consentement de personnes fragiles, pas toujours conscientes des choses. Et pour cela, le gouvernement a mis en place une procédure longue et fastidieuse. Explication de Gérard Longuet : « Le gouvernement craignait qu’on lui reproche de ne pas respecter l’expression du consentement ». L’exécutif s’est protégé mais cela a eu pour conséquence de ralentir le processus. « Simplifiez » a donc ordonné le Président Emmanuel Macron en se rendant compte des dégâts politiques de cet excès de prudence.

Risque d'impuissance

Les responsables craignent de plus en plus que les juges viennent fouiller dans leurs affaires. La classe politique est sur ces gardes depuis l’affaire du sang contaminé en 1999 quand pour la première fois 3 anciens ministres ont été jugés pour des faits s’étant déroulé durant l’exercice de leur mandat. Les récentes perquisitions de ministres en pleine gestion de l’épidémie a de nouveau choqué la classe politique, que ce soit la majorité ou l’opposition. Dans les rangs de la droite, Damien Abad chef de file des députés Les Républiques assure que si cette tendance se poursuit « cela conduira à l’impuissance et l’inefficacité publique : parce qu’au lieu de prendre des décisions politiques, on préfèrera se protège soi-même. » « La judiciarisation de la vie politique n’aide pas à la décision politique », renchérit un député de la majorité présidentielle.

Dernier recours

Mais la justice n’est-elle pas désormais le seul recours pour les gouvernants rendent des comptes ? En effet, le Parlement - devant lequel le gouvernement est responsable selon la Constitution - ne joue pas vraiment son rôle. Du fait du calendrier électoral, le président et son gouvernement disposent toujours d’une confortable majorité à l’Assemblée nationale, ce qui empêche mécaniquement tout vote de censure qui ferait tomber un gouvernement qui serait jugé incompétent. L’exécutif a donc les mains libres quoiqu’il fasse et le président est lui pénalement irresponsable pendant son mandat. Impossible de mettre en cause les responsables politiques : c’est aux tribunaux que l’on règle les comptes. Bien ou mal, c’est avec cette épée de Damoclès que dirigent les responsables.

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