Colombie: la paix peut-elle aider à lutter contre la déforestation?
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En 2023, la déforestation a chuté de 49% en Colombie, nous apprend une étude de l'Institut des ressources mondiales. C'est positif pour l'Amazonie colombienne, très riche en biodiversité, et pour la lutte climatique mondiale. Mais comment l'expliquer et en quoi les négociations de paix en cours entre le gouvernement et différents groupes armés y sont pour quelque chose ?

Ces chiffres de déforestation en baisse en Colombie sont en partie le fruit d'efforts antérieurs mais Gustavo Petro, le premier président de gauche du pays sud-américain, fait sa part. Il a lancé une série de politiques publiques « pour restaurer certains secteurs de l'Amazonie, donner des terres aux communautés paysannes pour qu'elles y gèrent de façon durable la forêt », indique Alejandra Laina, qui suit les questions de ressources naturelles au sein de l'Institut des ressources mondiales (WRI en anglais) en Colombie.
Le travail des populations autochtones est aussi fructueux. Enfin, les groupes armés qui négocient la paix avec le gouvernement - il y a deux factions dissidentes de l'ancienne guérilla des FARC, l'Armée de libération nationale (ELN en espagnol), des paramilitaires d'extrême droite et des trafiquants de drogue du clan del Golfo – exercent, eux aussi, le contrôle de la déforestation.
Montrer son autorité et sa « bonne volonté »
En Colombie, des pans entiers du territoire échappent au contrôle de l'État. Ils sont aux mains de différents groupes armés qui régentent la vie des populations locales. Ces groupes se financent principalement par le trafic de cocaïne et les mines illégales, deux activités qui signifient de la déforestation - même si les plantations de coca conservent toujours un peu d'arbres pour être dissimulées. Et ils coupent des arbres pour ouvrir des routes et pouvoir acheminer la drogue et déplacer leurs troupes.
Mais ces derniers temps, le déboisement est devenu un enjeu de négociation. Petro l'a mis sur la table des discussions et les groupes armés l'utilisent désormais comme une manière de « montrer leur autorité » sur les territoires qu'ils occupent, et comme un « gage de bonne volonté » vis-à-vis du gouvernement, analyse Lilia Roa-Fuentes, scientifique de l'Université Javeriana à Bogota et spécialiste des écosystèmes tropicaux.
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Comment freinent-ils le déboisement concrètement ? Les chercheurs et les habitants de ces zones, indique la scientifique, rapportent que « c'est très commun » que les groupes armés communiquent à la population sur quelles parcelles ils autorisent la coupe d'arbres, sur lesquelles non, quelles sont les sanctions qu'ils appliquent en cas de non-respect de leurs règles, etc.
Quels effets en cas de paix totale ?
Si la paix totale recherchée par Gustavo Petro était signée, en théorie cela signifierait moins de déforestation. Mais à la condition que l'État reprenne le contrôle des zones démilitarisées. Or, il y a quelques années, ça ne s’est pas passé comme ça.
En 2016, le gouvernement de Juan Manuel Santos a signé un accord historique avec ce qui était alors la guérilla des FARC. Plus de 13 000 combattants ont déposé les armes, après plus de 50 ans d'une guerre qui a fait plus de 200 000 morts et des millions de déplacés en Colombie. Pour la forêt, on aurait pu s’attendre à un répit. Cela a, en réalité, signifié une hausse de la destruction. « La sensation de paix n’a duré que très peu de temps », explique Lilia Roa-Fuentes depuis Bogota.
Dans les premiers mois, de grands propriétaires terriens ont avancé sur ces terres laissées par les FARC pour y mettre du bétail, des plantations. Et très vite, les autres groupes armés - les dissidents des FARC, les bandes criminelles - se sont battus pour prendre le contrôle de ces territoires. Et pour s'y étendre, ils ont notamment déforesté.
« La baisse actuelle du déboisement n'est en réalité qu'un retour aux niveaux de déforestation que nous avions avant le processus de paix de 2016 », précise d'ailleurs Lilia Roa-Fuentes.
Si demain, d'autres groupes signent la paix et se retirent de certains espaces, si l'État colombien n'est pas capable d'y développer des services publics, des alternatives économiques aux plantations de coca, la forêt et les populations locales revivront le même calvaire.
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