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Côte d'Ivoire: quelle ampleur pour les féminicides et les violences conjugales?

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Les organisations de défense des droits des femmes réclament toujours une étude gouvernementale sur les féminicides. À ce jour, les seuls éléments chiffrés disponibles émanent d’une enquête menée il y a deux ans, en 2019-2020, par la petite ONG CPDEFM (l’organisation des Citoyennes pour la promotion et défense des droits des enfants et des minorités). Sur une période de 2 ans, 416 féminicides avaient été recensés pour la seule ville d’Abidjan. 

Selon une étude de 2019, 70% des Abidjanaises sont victimes de violences conjugales. (Image d'illustration)
Selon une étude de 2019, 70% des Abidjanaises sont victimes de violences conjugales. (Image d'illustration) © Getty Images/Contributeur
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De notre correspondant à Abidjan,

Cet été à Abobo, une commune populaire au nord de la capitale économique, trois femmes ont été tuées sous les coups de leurs conjoints. De quoi relancer la demande exprimée maintes fois par les organisations féministes  : la création d’un fichier gouvernemental recensant les cas de féminicides en Côte d’Ivoire. 

« Déjà, il faut qu’on ait des chiffres centralisés », martèle Megane Boho, la présidente de la Ligue ivoirienne des droits des femmes. « Il faut que notre gouvernement prenne ses responsabilités, parce qu’on a des écoles de statistiques, on a des financements des organisations internationales au niveau du ministère de la Femme, de la Justice. »

« Il faut qu’il y ait une étude centralisée, parce que ça ne sert à rien que chaque organisation fasse ses études de son côté, alors que la question, elle est vraiment fondamentale, c’est une question qui devrait en principe être sur le bureau de chaque autorité, parce que moins on sait ce qu’il se passe, moins on sait comment agir », poursuit-elle.

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Mesurer l’impact et prévenir des actions possibles

Un besoin de chiffres, mais aussi d’analyses sociologiques. Comment mesurer l’impact – hier de la crise sanitaire et aujourd’hui de l’inflation galopante –, sur les violences conjugales ? À l’université Félix-Houphouët Boigny, « la Ligue » a organisé une table ronde sur la question des féminicides. Sibi Cheick, gestionnaire dans les ressources humaines, a assisté aux discussions.

« L’idée, c'était plus ou moins de venir écouter, savoir plus ou moins quels sont les combats qui sont menés et à notre niveau, essayer de relayer les différentes informations qu’on pourrait avoir », explique Sibi Cheick.

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Parmi ces informations, la possibilité par exemple, pour une femme ou un homme victime de violences conjugales, de demander avant tout procès une ordonnance d’éloignement auprès du président du tribunal le plus proche.

« De sorte à pouvoir empêcher l’homme de pouvoir entrer dans un certain périmètre », poursuit Sibi Cheick. « C’est un peu comme si on le prévenait pour lui dire : “ah attention, faudrait pas que vous arriviez là”, de sorte à pouvoir protéger sans qu’on puisse dire qu’on a entamé une procédure judiciaire à l’encontre de la personne qui pourrait se solder par son incarcération. »

70 % des Abidjanaises victimes de violences conjugales

Invitée d’honneur du panel : la romancière et essayiste Djeneba Siby. Musulmane, voilée, féministe, elle dénonce dans son dernier ouvrage Moi Maîtresse les violences psychologiques ou physiques au sein du couple.

« Je dirais que j’ai eu l’envie d’écrire ce livre-là à cause de mon ras-le-bol de voir tout le temps des féminicides dans ma communauté, dans mon entourage », explique la romancière. « Je me suis dit : “il faut que je fasse quelque chose”, et ce que quelque chose là que je pouvais faire, c’était d’écrire avec ma plume, de sensibiliser, d’essayer de dépeindre toutes ces situations-là. Que ce soit quelque chose qui aide les femmes dans ces situations-là à aller de l’avant », ajoute Djeneba Siby.

Une précédente étude de l’ONG CPDEFM rendue publique en 2019 avait relevé que 70 % des Abidjanaises sont victimes de violences conjugales. 

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