Reportage Afrique

Réfugiés tigréens au Soudan: dans les camps, les accords de paix suscitent espoir et crainte [1/5]

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Dans le nord de l’Éthiopie, les hostilités ont cessé entre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et l’armée fédérale depuis la signature le 3 novembre dernier d’accords de paix à Pretoria, en Afrique du Sud. De l’autre côté de la frontière, au Soudan, où près de 46 000 Tigréens vivent dans des camps de réfugiés depuis deux ans, l’espoir suscité par ces accords est vite retombé pour faire place aux doutes.

Un membre du personnel du HCR s'assure que les réfugiés éthiopiens de Hamdayet, au Soudan, ont accès à l'eau.
Un membre du personnel du HCR s'assure que les réfugiés éthiopiens de Hamdayet, au Soudan, ont accès à l'eau. © HCR/Olivier Jobard
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De notre envoyé spécial à la frontière éthiopienne,

Un vieil homme, barbe blanche, turban sur la tête, est assis derrière une table recouverte du drapeau rouge du Tigré. Tetemqa Tsegai est un ancien leader d’un syndicat agricole. II a été désigné représentant du camp de réfugiés d’al-Hashaba. Devant une petite centaine de personnes réunies à l’ombre d’un préau de paille, il tente de faire de la pédagogie sur les accords de paix.

« Nous n’avons rien à gagner de la guerre. Nous voulons la paix. Mais les réfugiés ici sont un peu confus sur les bienfaits de la trêve. Notre principale peur, disent-ils, c’est que les Érythréens et les Amahara fassent dérailler cet accord. Nous leur disons : "Nous ne rendrons pas les armes tant que ces forces occupent notre territoire". Elles représentent désormais le plus grand obstacle sur la voie de la paix. »

À main levée, l’assemblée approuve à l’unanimité. Mais parmi ces dizaines de milliers d’exilés au Soudan depuis deux ans, peu semblent croire réellement à la fin du conflit. La semaine dernière, les rebelles ont affirmé avoir désengagé 65% de leurs combattants des lignes de front. Mercredi, la capitale du Tigré, Mekele, était reconnectée au réseau électrique national après plus d’un an de coupures. « Des pas en avant », reconnaissent les belligérants, mais la trêve reste très fragile. De nombreux pans du Tigré restent largement coupés du monde et de l’aide humanitaire. Autre obstacle majeur qui pourrait faire vaciller l’édifice de paix : la poursuite des exactions commises par les forces érythréennes et les milices venues de la région Amhara dans le Tigré.

90 000 déplacés, de nombreuses victimes et des kidnappings

Dans un petit restaurant installé au milieu du camp, une dizaine d’hommes assis sur des chaises en plastique ont les yeux rivés sur une télévision. À l’écran, des reportages diffusés par une chaîne tigréenne montrent des civils en fuite. Haftom Tesfai, réfugié au Soudan, fulmine : « La paix a été signée il y a plus d’un mois. Mais à Golo Makhada, à l’est du Tigré, les forces érythréennes ont déplacé ces derniers jours 90 000 personnes. Ils ont tué 81 personnes et kidnappé 48. Toutes leurs propriétés sont en train d’être pillées. Les Érythréens ne veulent pas de l’accord de paix. Ils font tout pour qu’il ne soit pas appliqué sur le terrain. »

Ces exilés appellent les institutions internationales et les puissances occidentales, États-Unis en tête, à garantir le processus de paix et à faire pression sur Abiy Ahmed. Mais pour Mabrahtu Weldo, un fermier originaire d’Aksoum au Tigré, il est impossible d’avoir confiance dans le Premier ministre éthiopien qui s’est allié avec l’Érythrée.

« Abiy Ahmed s’est accordé avec un homme sans foi ni loi. Issayas Afewerki est un homme dangereux qui déstabilise toute la région. Si l’armée érythréenne ne se retire pas, il n’y aura pas de paix. Tous mes proches ont été tués par leurs armes dans cette guerre. Ils ont exterminé notre peuple. Qu’ils dégagent tous pour que nous trouvions la paix. »

Végétant depuis deux ans dans ces camps de réfugiés, des milliers de jeunes ont déserté. Certains sur la route de la Libye, d’autres sont retournés clandestinement au Tigré ou se préparent ici au Soudan à se battre si l’accord déraille.

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