Réfugiés tigréens au Soudan: la situation humanitaire se dégrade dans les camps [3/5]
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Dans le nord de l’Éthiopie, les combats ont cessé entre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et l’armée fédérale depuis la trêve signée le 3 novembre dernier à Pretoria, en Afrique du Sud. La semaine dernière, les rebelles ont affirmé avoir désengagé 65 % de leurs combattants des lignes de front. La capitale du Tigré, Mekele, a été reconnectée au réseau électrique après plus d’un an de coupures. « Des pas en avant », reconnaissent les belligérants, mais le processus de paix semble très fragile. De nombreux pans du Tigré restent largement coupés du monde et de l’aide humanitaire. Après deux ans de guerre fratricide, plus de deux millions d’Éthiopiens ont été déplacés et des centaines de milliers de personnes se retrouvent dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU. De l’autre côté de la frontière, au Soudan, la situation humanitaire est également préoccupante dans les camps de réfugiés qui abritent près de 46 000 exilés Tigréens.

De notre envoyé spécial dans le camp d'Oum Rakuba,
Après une saison des pluies diluvienne et des coulées de boue, le camp d’Oum Rakuba a dû affronter, au mois d’octobre, une épidémie de variole du singe. Pendant plusieurs semaines, les réfugiés ont été placés en quarantaine. La promiscuité et le manque de services de base rendent le quotidien insupportable, estime Kokhob Kiros, un étudiant de 25 ans, qui a été témoin fin novembre d’un incendie qui a ravagé une partie du camp.
« Le feu est parti d’ici, on ne sait pas comment il a démarré. Ça a surpris tout le monde. Le vent l’a propagé rapidement. Une cinquantaine de maisons en paille sont parties en fumée. 135 familles ont perdu leur toit. Aujourd’hui, on a installé des tentes, mais il fait tellement chaud à l’intérieur qu’on ne peut pas y rester, alors on traîne toute la journée à l’extérieur. »
Sous l’une de ces tentes blanches, des perles de sueur sur le front, Mabrihit Alamsaget est en train de préparer un repas pour ses quatre enfants.
« Regardez les enfants dans quel état ils sont. Ils ne mangent pas à leur faim. Nous ne recevons pas assez d’aide : seulement du sorgho et de l’huile. Et encore, les rations ont été divisées par deux. Les enfants tombent facilement malades. L’un d’eux à des douleurs au ventre, je l’ai amené en plein milieu de la nuit à l’hôpital. Mais ils manquent de médicaments et son état ne s’améliore pas. »
Une baisse de l'aide internationale depuis six mois
Face à la dégradation des conditions de travail, au manque de financement et aux catastrophes à répétition, les employés de la commission soudanaise pour les réfugiés se sont mis en grève.
« Les distributions ont été divisées par deux depuis six mois. L’un des hôpitaux qu’on a ici va fermer ses portes après le mois de décembre. Les réfugiés sont censés avoir des abris en dur, mais ils sont toujours sous des toits de paille qui ne les protègent pas assez de la chaleur, du froid ou de la pluie. L’attention internationale face à cette crise s’est tarie, nous ne recevons presque aucune aide, tous les yeux sont tournés vers l’Ukraine. Et tout cela pousse de nombreuses personnes à s'enfuir et à quitter les camps. Ils partent et tentent de gagner l’Europe. »
Des milliers de jeunes ont déserté. Certains sur la route de la Libye, d’autres sont retournés clandestinement au Tigré pour se battre. Pour ceux qui restent, dans ce camp installé à une cinquantaine de kilomètres de la frontière éthiopienne, tous se demandent si la trêve va durer et s’ils pourront rentrer chez eux.
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