Reportage Afrique

En Ouganda, le regard des victimes de Joseph Kony sur la nouvelle procédure de la CPI [1/3]

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C’est une première à la Cour pénale internationale. Vingt ans après le mandat d’arrêt émis contre lui en 2005, une première audience de confirmation des charges est prévue par contumace du 9 au 11 septembre dans l’affaire concernant le chef présumé de la LRA, l'Armée de résistance du Seigneur, Joseph Kony. Traqué depuis 20 ans entre l’Ouganda, la RDC, la Centrafrique et le Soudan, Joseph Kony est suspecté de 36 charges de crimes de guerre et crimes contre l’humanité au cours du conflit sanglant mené par la LRA dans le nord de l’Ouganda de la fin des années 1980 au milieu des années 2000. À Gulu, principale ville du nord, les survivants du conflit attendent le début de cette première procédure.

Un groupe de survivants de la LRA, en discussion dans les jardins de l'association du réseau des victimes et enfants de la guerre à Gulu, le 4 septembre 2025.
Un groupe de survivants de la LRA, en discussion dans les jardins de l'association du réseau des victimes et enfants de la guerre à Gulu, le 4 septembre 2025. © Lucie Mouillaud / RFI
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De notre correspondante à Kampala,

Dans les bureaux du réseau des Victimes et enfants de la guerre à Gulu, tous les membres se préparent à suivre à la radio l’audience de la Cour pénale internationale (CPI). Parmi eux, Ochaya Bosco Ojok, resté pendant sept ans en captivité au sein de l'Armée de résistance du Seigneur, la LRA. « Après m’avoir enlevé, ils ont aussi enlevé mon frère qu’ils ont tué devant mes yeux, et c’est pour ça que je suis toujours autant en colère. Il faut qu’ils continuent la procédure, et qu’on obtienne des réparations pour toutes les années perdues en captivité », espère-t-il.

En cercle, dans le jardin de l’association, les avis des survivants sont partagés. Est-il pertinent de poursuivre une procédure sans le principal intéressé ? Aucun doute pour Brenda Angom, enlevée par la LRA à l’âge de sept ans : « La procédure contre Joseph Kony est très importante, encore plus que celle contre Dominic Ongwen, car il est le chef et que Dominic Ongwen avait, lui aussi, été enlevé. C’est enfin une audience contre la bonne personne, celle responsable des atrocités en Ouganda, et même pour mon propre enlèvement, je lui en veux encore. »

Deux décennies après la fin du conflit qui a ravagé le nord du pays, seuls deux commandants de la LRA ont été jugés et condamnés : Dominic Ongwen à la CPI en 2021 et Thomas Kwoyelo en Ouganda en 2024. Mais après 20 ans de traque, Stella Lanam, survivante, doute de voir un jour Joseph Kony derrière des barreaux. « Est-ce que c’est raisonnable de commencer une procédure en l’absence de Joseph Kony ? S’il ne revient pas, qu’est-ce que va faire la CPI ? On va suivre l’audience, mais ce qu’on veut en tant que victimes, c’est que les responsables rendent des comptes et que justice soit faite », estime-t-elle.

Une justice que l’audience de confirmation des charges par contumace doit accélérer, espère Nobert Dacan, directeur de l’ONG Foundation for Justice and Development Initiative (FJDI), basée à Gulu : « Prenons ce qu’on peut pour l’instant. Cela fait des années qu’on cherche à arrêter Kony, mais sans succès. Est-ce que ça veut dire qu’on doit attendre ? Des victimes meurent de vieillesse tous les jours. S’il y a l’opportunité d’une procédure de ce genre, c’est déjà ça. » Une première procédure que l’activiste salue. Mais avant d’éventuelles réparations aux victimes ou condamnation, Joseph Kony, doit d’abord être arrêté et remis à la CPI.

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