Madagascar: la fabrication des prothèses orthopédiques pour les malades de la lèpre [3/3]
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La bataille contre la lèpre et ses effets dévastateurs sur le corps, si la maladie a été prise en charge trop tardivement, passe aussi et surtout par l’éducation et la sensibilisation des malades : leurs membres, leur peau, ont désormais des besoins particuliers. À Madagascar, la Fondation Raoul Follereau, présente sur l’île depuis 1987, a créé des protocoles spécifiques pour aider les patients, guéris ou encore sous traitement, à prendre soin de leur peau et la protéger. Une protection qui passe également par le choix de chaussures adaptées. Depuis cinq ans, la fondation forme d’anciens bénéficiaires à la cordonnerie et à la fabrication de semelles orthopédiques. Dans l’un des centres soutenus par Follereau et tenu par les Filles de la charité, notre correspondante a pu assister à la confection de semelles pour ses bénéficiaires.

Reportage à Ampasy, dans le Grand Sud-Est de l’île, de notre envoyée spéciale,
Dans l’atelier de cordonnerie, installé en dessous des salles de consultation, le Dr Bertrand Cauchoix procède au test de sensibilité des pieds de Manolosoa. À l’aide d’un stylo, il appuie sur différentes de ses zones plantaires : « Donc, là, tout son avant-pied n’a aucune sensibilité. Donc, le gros risque de ce monsieur, c’est qu’il se promène pieds nus, et lui, par exemple, s’il a un clou dans une chaussure, s’il marche sur un silex, il va se blesser et ne va pas s’en rendre compte. Et le gros risque, c’est qu’il va faire des abcès plantaires et progressivement, on sera obligés d’amputer. Ce qu’on voit sur les vieux malades de la lèpre, ce sont les conséquences de ces choses-là. »
Alors, pour éviter ces complications dramatiques, la Fondation Raoul Follereau a mis en place des formations de fabrication de semelles orthopédiques thermomoulées, permettant ainsi aux malades de protéger leurs pieds avec du matériel adapté à leur handicap.
« Allez, vas-y, essaie de mettre tes pieds bien au centre ? »
Martial, ancien lépreux, a été formé en 2019. Aujourd’hui, c’est lui qui va s’occuper des semelles de Manolosoa.
« Écrase fort ! Fort ! »
Une fois l’empreinte découpée dans la plaque de plastazote, le matériau va être chauffé pour être ramolli et moulé selon la morphologie du pied du patient. 1h30 après :
« Là, tu vois, il ne reste plus qu’à coller les autres couches et poncer. »
« Ma joie, raconte le cordonnier, c’est de pouvoir échanger avec mes "frères". Ce qu’ils vivent, je l’ai vécu aussi. Et puis, ce travail, c’est un bon complément de revenu pour moi. »
Derrière Martial, sur une étagère, d’anciennes chaussures médicalisées sont exposées, souvenir d’un temps révolu, assure sœur Johany, la responsable de la léproserie : « Maintenant, on ne fait plus de choses comme ça. Les malades n’aiment pas. Parce que, vous voyez, ça reste de drôles de souliers, ce ne sont pas des chaussures normales. Ça montre bien qu’ils sont handicapés. C’est mieux d’acheter des vraies chaussures, aux fripes. Et puis, on place les semelles adaptées à l’intérieur. Extérieurement, on ne voit pas que ce sont des malades. Donc, il n’y a pas de discrimination. »
« Tiens, voici tes chaussures. Ce que je veux Manolosoa, c’est que tu les portes vraiment hein, pas que tu les laisses dans un coin. »
Arrivé pieds nus, le pas hésitant, Manolosoa repart, chaussés d’une belle paire de running bleu, la démarche plus assurée. Et la tête haute.
► À écouter aussi :
- Madagascar: la lèpre, sensibiliser plus pour mieux dépister à temps [2/3]
- Madagascar: quel avenir pour les personnes atteintes de la lèpre? [1/3]
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