Reportage Afrique

Tunisie: «Barg Ellil», nouvelle traduction en français d’un conte anti-raciste

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C’est un conte populaire écrit en 1961 par l’écrivain de langue arabe Béchir Khraïef. Barg Ellil est traduit en français par la professeure de littérature française Samia Kassab et publié un mois après la vague de racisme envers les migrants subsahariens suite à des propos du président Kaïs Saïed sur la migration irrégulière, le personnage de Barg Ellil, esclave noir au XVIe siècle, offre une réflexion sur le contexte actuel dans le pays.

"Barg Ellil" conte populaire écrit en 1961 en arabe par l’écrivain Béchir Kraïef traduit en français par Samia Kassab-Charfi
"Barg Ellil" conte populaire écrit en 1961 en arabe par l’écrivain Béchir Kraïef traduit en français par Samia Kassab-Charfi © Sud Editions
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De notre correspondante à Tunis,

Devant un parterre d’étudiants et de bibliophiles venus à la librairie culturel, Samia Kassab, traductrice du conte de Barg Ellil, décrit avec enthousiasme la modernité de ce personnage de fiction. Barg Ellil est un esclave noir victime de la traite négrière en 1534 et arrivé de Tombouctou à Tunis, « dans un monde de blancs » comme écrit le narrateur, une société hostile dans laquelle il subit le racisme mais vit également une passion amoureuse et beaucoup d’aventures

« Et en fait c’est l’histoire d’un esclave qui lui aussi essaye, avec des éléments composites, de composer comme on compose un tableau sa propre vie à venir, malgré les points faibles, malgré les zones d’ombre. », explique Samia Kassab.

Pour cette spécialiste de la littérature des Caraïbes et d’auteurs tels qu’Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, l’histoire de Barg Ellil reste méconnue dans le monde francophone…

« Je me suis dit "mais ce livre extraordinaire, mais c’est fou, il y a plein de gens qui ne lisent pas l’arabe qui ne le connaissent pas". »

Ce livre est extraordinaire, selon Samia Kassab, parce qu’aujourd’hui, le regard ironique de l’auteur de Barg Ellil sur le conservatisme, les dogmes ou encore le racisme résonnent encore dans l’actualité. « Tous les personnages, le Blanc galérien, le Noir esclave et la jeune femme blanche mariée qui est emmurée par son mari parce qu’il va en pèlerinage pendant trois mois, tous ces personnages se retrouvent en fait et c’est comme une sorte d’ode aux marginaux, aux subalternes, dont le statut ne leur permet pas de véritablement s’exprimer ou de trouver leur place dans une société qui est par ailleurs très discriminatoire. »

La traduction a été publiée en mars dernier, un mois après que de nombreux migrants subsahariens aient été victimes d’agressions racistes et d’expulsions de leur domicile à la suite des propos de Kaïs Saïed sur la migration irrégulière… « Je pense que c’est une leçon que nous donne Béchir Khraïef de relativité. Relativiser notre bien-être et essayer d’avoir un peu d’empathie pour ces gens. »

Cette thématique a marqué Ranim Ghezail étudiante de 24 ans en littérature et civilisations française : « ça nous permet de voir comment la littérature est contemporaine, elle ne meurt jamais. »

Et le récit ne s'arrête pas à la dénonciation du racisme. Roman historique et d'apprentissage, il défend aussi d'autres thèmes tels que le féminisme et la liberté.   

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