Reportage Afrique

Santé mentale en Afrique du Sud: dépasser le tabou par l'expression [3/3]

Publié le :

Suite et fin de notre série sur les traumatismes en Afrique du Sud et leur impact sur la santé mentale des habitants.Selon différentes études, malgré des risques dus à la violence et aux inégalités dans le pays, et un fort taux de suicide, plus de trois-quarts des Sud-Africains ne reçoivent pas d’aide ou de traitement lorsqu’ils font face à des problèmes de santé mentale. Un écart dû à un manque d’accès aux soins, mais aussi à une stigmatisation des troubles mentaux et un tabou qui persiste.

Mbali Tshabalala, artiste sud-africaine.
Mbali Tshabalala, artiste sud-africaine. © Claire Bargelès / RFI
Publicité

De notre envoyée spéciale à Johannesbourg,

Mbali Tshabalala, artiste de 35 ans, fait partie d’un collectif, installé dans un immeuble du centre-ville de Johannesbourg : « Bienvenue au studio ! ». Suite à la mort violente de son frère, en 2015, Mbali a souffert de troubles anxieux et de dépression. Mais autour d’elle, c’est l’incompréhension : « Certaines personnes ignorent encore beaucoup de choses autour de la santé mentale. Quelqu’un m’a dit à l’époque que par rapport à nos parents qui ont pu survivre à l’apartheid, pour nous, la dépression ne représente rien. Au sein de la communauté noire, en particulier, c’est considéré comme une maladie de personnes blanches. Ou sinon on imagine qu’on vous a jeté un mauvais sort ou que vous êtes possédé et qu’il faut vous exorciser. »

Des idées reçues qui bâillonnent la parole 

Devenue artiste en 2019, la jeune femme se met à allier ses créations à sa réflexion sur la santé mentale, et tente d’ouvrir le dialogue : « C’est le premier ensemble d’œuvres que j’ai créés autour du sujet. J’ai utilisé beaucoup de lignes neurographiques, et ici, il y a toutes ces silhouettes de mon corps. J’ai senti qu’il était important d’exprimer ce que je ressentais puis de voir si d’autres pensaient pareil ou étaient dans le même état que moi. »

 À écouter aussi : Santé mentale en Afrique du Sud: les Freedom Fighters évoquent les traumatismes de l'apartheid [1/3]

Le sujet de la santé mentale est encore plus tabou du côté des hommes, comme l’a observé Kgaugelo Habyane : il est le créateur de Manned Up Conversations, un podcast pour échanger autour des questions de masculinité, et il supervise également un groupe de soutien : « L’idée que les hommes ne parlent pas, ou voient la parole comme un signe de faiblesse est lié au concept de vulnérabilité, avec la peur de devoir partager tous ses états d’âme avec un inconnu. Sans compter qu’il n’y a pas vraiment beaucoup d’hommes qui ont fait de la vulnérabilité un modèle. »

Un manque de psychologues pour la population 

Des initiatives voient le jour pour tenter de démocratiser l’accès aux soins et contourner la stigmatisation. Le psychologue Zamo Mbele supervise l’application Panda Health, qui permet aux Sud-Africains de demander de l’aide en ligne : « Les pratiques religieuses, et celles qui consistent à aller chercher de l’aide auprès de guérisseurs traditionnels ou de sangomas, montrent qu’il existe des pratiques psychothérapiques avec lesquelles les peuples indigènes du continent étaient déjà en lien. Il faut donc bien comprendre que le monde intérieur de chaque être humain, peu importe sa race ou sa culture, mérite de l’attention. »

Outre la stigmatisation, le manque de professionnels est aussi un problème pour faciliter l’accès aux soins, en particulier dans les régions plus rurales qui ne comptent qu’une poignée de psychologues dans le secteur public pour des millions d’habitants.

 À écouter aussi : Santé mentale en Afrique du Sud: l’impact de la criminalité sur la santé mentale [2/3]

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes