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Soudan du Sud: au camp de Gorom, l'inquiétude des réfugiés soudanais pour leurs proches [1/3]

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Depuis le début du conflit au Soudan entre Forces armées soudanaises et paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), plus de trois millions de Soudanais ont été forcés de fuir. Plus d’un demi-million d’entre eux se sont réfugiés dans les pays limitrophes, notamment au Soudan du Sud. Dans le camp de Gorom, près de la capitale, Juba, les réfugiés soudanais vivent dans des conditions rudes du fait du manque d’assistance humanitaire. Des difficultés matérielles qui s’ajoutent aux traumatismes des combats et à l’angoisse pour les proches restés au Soudan. Premier volet d’une série de trois reportages.

Des habitants du camp de Gorom, le 21 juillet 2023.
Des habitants du camp de Gorom, le 21 juillet 2023. © Florence Miettaux/RFI
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Assise à l’ombre de son abri, Amani Rashid Mohamed ne cache pas son inquiétude. La mère de famille a fui Khartoum avec son fils de 21 ans et sa fillette de cinq ans. Mais, avant de passer la frontière sud-soudanaise, son fils a été retenu à un point de contrôle par l’armée soudanaise. Elle a dû continuer son voyage, sans lui, jusqu’au camp de Gorom : « Chaque jour, je vais là où il y a du réseau pour voir s’il m’a envoyé un message. J’espère qu’il est toujours en vie. » Ce qui la préoccupe le plus, c’est qu’il a été recruté de force dans l’armée soudanaise et envoyé au combat : « Mon fils est étudiant, il n’a aucune formation militaire. J’ai peur, j’espère qu’on ne lui a pas fait de mal. J’aimerais que les organisations de droits de l’Homme m’aident à le retrouver. »

Abdelaziz Osman Mohamed a, lui, fui à pied la ville d’al-Fasher, au Darfour. Depuis, il a complètement perdu contact avec le reste de sa famille : « Quand le conflit a démarré, les gens ont fui dans différentes directions. Beaucoup sont partis au Tchad. D'autres comme moi sont venus au Soudan du Sud. Jusqu’à maintenant, je n’ai aucune nouvelle de ma famille. Je ne sais pas où ils sont et s’ils sont toujours en vie. Leurs numéros de téléphone sont injoignables. J’ai demandé à la Croix-Rouge s’ils peuvent retrouver l’un d’entre eux et me tenir au courant. »

« Je n'ai pas eu de nouvelles de ma famille pendant deux mois »

Pour Selwa, une étudiante ayant fui Khartoum au début du conflit et réfugiée au camp de Gorom, les semaines passées sans nouvelles de sa famille ont été très éprouvantes. Originaire d’El-Geneina, à l’ouest du Darfour, sa famille est d’ethnie Masalit. Elle était sur place lorsque les milices arabes, les janjawids, et les FSR ont lancé des attaques visant cette communauté :

« Le réseau a été coupé dans notre région quelques jours après le début du conflit. Je n’ai pas eu de nouvelles de ma famille pendant deux mois. Ce n’est que lorsqu’ils sont arrivés au Tchad qu’ils ont pu me téléphoner. Ma sœur m’a appelée pour me dire qu’ils avaient fui et qu’ils avaient pu passer la frontière, et qu’ils sont dans un camp de réfugiés à Adré. Ces deux mois ont été horribles. Ça a été la pire période de ma vie. Je n’arrêtais pas d’entendre qu’il y avait un génocide en cours, et je savais que ma famille était là-bas, mais je ne pouvais rien faire. Je ne savais pas où ils étaient ni ce qui leur arrivait. C’était très dur, je n’arrive même pas à décrire ça. Une fois qu’ils ont pu m’appeler, ils m’ont dit comment ils allaient et ce qui leur est arrivé. »

Alors, Selwa apprend avec soulagement que tous les membres de sa famille ont survécu, mais que leur maison a été brûlée par les FSR. Un autre réfugié témoigne, lui, avoir perdu 28 membres de sa parentèle dans les attaques perpétrées par les FSR à El-Geneina.

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