Maroc: des migrants subsahariens refoulés dans le sud du pays
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Au Maroc, les candidats à l’immigration vers l’Europe sont toujours nombreux à être sur le territoire chérifien. Les routes vers l’Espagne, des Canaries au détroit de Gibraltar, sont extrêmement surveillées, les migrants sont régulièrement éloignés manu militari des frontières et refoulés vers le centre du pays. C’est le cas de Béni Mellal, une ville étudiante et agricole au cœur de l’Atlas.

De notre correspondant de retour de Béni Mellal,
Il suffit de se balader dans les principales artères de la ville pour repérer Pierre-Olivier. Ce Camerounais d’une quarantaine d’années, se trouve au feu rouge d'un carrefour avec plusieurs camarades. Comme beaucoup de Subsahariens ici, il doit mendier pour survivre.
Sa grande silhouette est soutenue par des béquilles, blessure qu’il doit à une tentative de franchissement de la frontière vers l’Espagne à Melilla, une des deux seules enclaves européennes sur le continent africain. Il a tout tenté pour rejoindre l’Europe, y compris la traversée vers les Canaries au départ du Sahara occidental.
« De Laâyoune, j'ai essayé d'aller vers les îles Canaries. Malheureusement, il y a eu un naufrage et il y a eu une déportation où on arrêtait tous les immigrés pour les faire partir de Laâyoune. Et quand on les arrête, on les rejette de ce côté de Béni Mellal et dans diverses villes », témoigne Pierre-Olivier.
Documents d'identité confisqués
Adamu n’a pas eu le temps d’essayer de franchir la frontière avec l’Europe. À son arrivée au Maroc, il affirme que ses documents d’identité lui ont été confisqués par la police aux frontières. Il vient du Cameroun anglophone et souhaitait demander le statut de réfugié.
« J’ai essayé d’aller à Rabat pour récupérer mes documents, mais sur le chemin, j'ai été envoyé dans cette petite ville. Nous sommes des bannis, des illégaux qui ne peuvent pas aller dans les grandes villes. Je voudrais récupérer mes papiers et m’enregistrer comme réfugié, mais le bureau est à Rabat. J’ai essayé d’y aller deux fois, mais je n’y arrive pas, il y a trop de contrôles et ils me renvoient ici à chaque fois », déplore-t-il.
Découragés par cette situation, les candidats à l’exil choisissent parfois de s’installer pour quelque temps sur place. Mais trouver du travail, explique Bayo Paul Dako, médiateur culturel de l’ONG italienne Progettomondo, n’est pas toujours chose aisée. « Des personnes qui ont plus ou moins une proximité culturelle avec la population marocaine, comme les Soudanais par exemple, ça peut plus ou moins être facile, et pour d'autres personnes, ça peut être un peu plus compliqué. Mais en général, les personnes travaillent sur les chantiers en tant que main-d'œuvre, ou bien dans les champs d'olives ou d'agrumes. »
D’autres, comme Moussa, ont choisi une autre voie. Le jeune homme de 25 ans fabrique lui-même des bijoux qu’il vend tous les jours au marché. Après quatre ans de tentatives, il dort aujourd’hui dans son propre appartement et rêve désormais d’un avenir au Maroc.
« Pour aller en l'Europe, c'est très difficile et je peux me retrouver peut-être à perdre 10 ans de ma vie comme ça. Du coup, que faut-il faire ? Est-ce que ce n'est pas mieux de chercher à l'intérieur de la société marocaine et voir, avec le temps, si j'ai une carte de séjour, je peux peut-être commencer à faire du commerce international », espère Moussa.
Depuis le renforcement des contrôles aux frontières européennes en 2022, de plus en plus de candidats à l’exil envisagent, comme Moussa, de s’installer au Maroc ou de rentrer chez eux.
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