Reportage Afrique

JO 2024: Au Kenya, les coureurs font appel à des «lièvres» pour s'entraîner [2/3]

Publié le :

En quinze éditions des Jeux olympiques, le Kenya a remporté 69 médailles pour des courses de fond et 28 de demi-fond. Pour obtenir de tels résultats, les athlètes kényans courent sans relâche. Ils avalent parfois jusqu’à 200 kilomètres par semaine. Mais ils ne sont pas seuls : à leurs côtés, les « lièvres », d’autres coureurs, partenaires d’entraînement. Au Kenya, les lièvres courent plus vite que les athlètes européens qualifiés aux Jeux olympiques. Reportage dans la vallée du Rift, le berceau des champions.

À Iten, dans le comté d'Elgeyo-Marakwet, au Kenya, pendant les essais qualificatifs pour les Jeux olympiques.
À Iten, dans le comté d'Elgeyo-Marakwet, au Kenya, pendant les essais qualificatifs pour les Jeux olympiques. © Gaëlle Laleix / RFI
Publicité

De notre envoyée spéciale à Iten, 

Sur la piste du stade Kipchoge à Eldoret, Lilian Kasait s’entraîne. Qualifiée pour le 10 km, elle s’envolera bientôt pour les Jeux de Paris. À une allure vertigineuse, Lilian emboîte le pas d’un autre coureur. C’est Elkan Abet, son lièvre : « Mon travail, c’est juste l’athlétisme. J’aime courir. Moi, je n’ai jamais fait de marathon. J’entraîne juste les femmes. Je les aide toujours. J’aime bien ça, parce qu’on m’a employé pour ça. J’ai commencé en 2012 et ils me paient 150 dollars par mois. Ce n’est pas mal. Ça m’aide beaucoup. »

Joseph Chiromei est l'un des entraîneurs de l’équipe nationale kényane. À l’entraînement, il utilise systématiquement des lièvres, notamment avec les femmes : « J'ai six lièvres et sept coureuses ce matin. Le lièvre est là pour conserver une allure régulière et motiver les coureurs. »

L'entraîneur explique pourquoi il pense que les lièvres sont essentiels : « Quand les coureuses courent avec un lièvre, une fois qu’elles se sont habituées à l’allure des hommes, quand elles sont seules durant les courses, elles font des temps fantastiques. Par exemple, Ann Rose Mary Wanjiru que j’entraîne, elle a déjà couru un marathon en 2h16, deux fois. » 

Des lièvres qui peuvent gagner plus que les coureurs eux-mêmes

2h16, c’est 10 minutes en dessous du minimum olympique pour se qualifier au marathon féminin. Les lièvres sont aussi utilisés par les hommes. Ils peuvent également être embauchés par une course qui désire imposer une allure. La rémunération est intéressante. Julien Di Maria est entraîneur de l’équipe Kechei : « Dans un marathon d'envergure, on peut être entre 2 500 jusqu'à 10 000 euros en fonction des chronos nécessaires, de l'allure et de la distance que va parcourir le lièvre. Il signe des contrats, tout est indiqué dedans. »

Selon l'entraîneur, ce peut être intéressant d'être lièvre, mais c'est parfois difficile mentalement : « Il y en a qui se disent : "Moi, de faire lièvre à des femmes toute ma carrière, c'est moyen, surtout dans une société patriarcale comme la société kényane." Mais, s'ils gèrent bien leur carrière, ils peuvent faire ça pendant dix-quinze ans et gagner plus d'argent que des coureurs qui vont juste terminer des courses et ne pas être dans le top du top. »

Le minimum olympique pour les hommes au marathon est de 2h08. Selon la Fédération, au Kenya, une centaine d’athlètes courent en dessous de ce chronomètre.

À lire aussiKenya: le tabou de l'excision dans le monde de la course à pied [1/3]

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes