Mmutla Mojapelo sculpte du plastique pour réfléchir à sa place dans le monde
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En Afrique du Sud comme partout dans le monde, la pollution plastique est un problème de taille. Dans le pays, on estime que 90 000 « pickers », ces collecteurs de plastiques informels et en situation précaire, permettent une forte réduction de ces déchets — jusqu’à 90 % des emballages plastiques sont ainsi recyclés. Et parfois, ces déchets plastiques atterrissent même dans des ateliers d’art. Rencontre avec Mmutla Mojapelo, sculpteur autodidacte qui n’utilise que ce plastique des rues.

De notre correspondant à Johannesburg,
Dans son atelier au cœur de Johannesburg, en Afrique du Sud, de la musique résonne. « Parfois, quand je me sens seul dans mon atelier, j’écoute de la musique traditionnelle tsonga, confie Mmutla Mojapelo. Elle dit : “Nos maisons n’ont pas été construites par une seule personne, c’est un travail d’équipe”. Et c’est pareil avec mes sculptures, c’est un travail collectif, et il faut mentionner tout le monde. » Mentionner, par exemple, les collecteurs de plastique des rues, à qui Mmutla Mojapelo achète ses matériaux pour confectionner ses sculptures.
« J’achète le plastique à ces gars. Maintenant, ils savent que j’ai besoin de ces matériaux pour mon travail, explique le sculpteur. Ici, on est sur ma terrasse, avec une belle vue sur toute la ville. Moi, je ne vois pas des immeubles, mais bien des sculptures. Regardez ici par exemple, il y a la bouche, le nez… C’est sur cette terrasse que je fais fondre le plastique. Ensuite, je le mets dans un moule. Là par exemple, je fais une main. Il y a ce dicton qui dit : “Les ordures d’un homme peuvent être le trésor d’un autre.” Et c’est mon trésor. Je leur donne une seconde vie. »
Alors que la pollution plastique mondiale pourrait dépasser le milliard de tonnes d’ici à 2040, Mmutla agit à son échelle, et grâce à l’art : « Il y a du plastique dans les océans, il y a du plastique partout ! Alors j’essaye de nettoyer un peu, c’est du recyclage ! »
À écouter dans C'est pas du vent Traité sur le plastique : il y en a partout, c’est la panique !
« Je savais que j’y arriverais »
Et le résultat, c’est par exemple cette sculpture à taille humaine, au centre de son atelier, qui symbolise son parcours semé d’embûches : « Vous voyez, ici, le plastique se décolle de mon corps. Ça symbolise la peur, tous les mots négatifs qu’on m’a dits : “Mmutla, tu n’y arriveras pas, tu n’as pas fait d’école”, et dont je me libère. Parce que je savais que j’y arriverais ! »
« Là, on nettoie les lettres qu’il va poser sur sa sculpture, pour écrire tous les mots négatifs de ceux qui ne croyaient pas en lui, décrit Sophie, avec qui le sculpteur travaille. Avec le temps, il leur a montré qu’il avait beaucoup de talent, et ça me rend heureuse. »
Après des débuts difficiles dans son village au nord du pays, aujourd’hui Mmutla est installé dans une résidence d’artistes de Johannesburg. Il expose dans de nombreuses galeries et vit de son art. « Écoutez cette musique, elle dit qu’on a été envoyé ici pour délivrer un message, indique le sculpteur. Le mien, c’est : “Soyez vous-même”. » Un art fait de rêves... et de plastique.
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